Attention, le micro de cette eurodéputée n’a pas été coupé pour sa critique d’Ursula von der Leyen, mais pour avoir excédé son temps de parole !
Auteur : Hugo Guguen, juriste
Relecteur : Etienne Merle, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Jeanne Boyer, étudiante en journalisme à l’école W
Source : Compte Facebook, le 26 janvier 2025
Contrairement aux affirmations d’internautes, la députée européenne Christine Anderson n’a pas été « censurée » pour avoir dénoncé la supposée corruption d’Ursula von der Leyen. Malgré plusieurs rappels à l’ordre de la présidente du Parlement européen, la députée a eu son micro coupé pour avoir dépassé son temps de parole, conformément à l’article 171 du règlement intérieur du Parlement européen.
Le Parlement européen censure-t-il ses députés s’ils critiquent Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne ? De nombreux internautes en sont persuadés au regard d’une vidéo partagée sur Facebook ainsi que sur Instagram.
Dans cet extrait, la députée européenne Christine Anderson, membre du parti d’extrême droite allemand AfD (Alternative pour l’Allemagne), incendiait la présidente de la Commission européenne qu’elle accuse de corruption.
« Avec votre ami Pfizer, vous avez négocié un contrat de plusieurs milliards de dollars pour un produit qui, dans le meilleur des cas, était inutile, dans le pire des cas, nocif, voire mortel dans de nombreux cas. Encore une fois, vous devriez avoir honte de vous ! […] Vous faites l’objet de plusieurs enquêtes pour corruption. Si vous aviez ne serait-ce qu’une once de décence dans le cœur, vous ne seriez même plus candidate. Mais chez vous, la décence est absente. Madame von der Leyen, vous êtes présidente de la Commission et non présidente de la commission de la corruption. »
Le micro de l’eurodéputée allemande est quelques secondes après coupé, l’empêchant de poursuivre. Il n’en faut pas plus pour convaincre certains internautes qu’il s’agit de censure. « Ursula von der Leyen se fait atomiser par l’eurodéputée Christine Anderson au Parlement européen !! Et le visage d’Ursula se liquéfia. Le micro de l’eurodéputée allemande Christine Anderson est coupé pour avoir dénoncé la corruption d’Ursula von der Leyen, juste en face de cette dernière », peut-on par exemple lire sur Instagram.
Pourtant, le micro de l’eurodéputée n’a été coupé que parce qu’elle avait dépassé son temps de parole, conformément au règlement du Parlement européen.
Un temps de parole limité à une minute
Tout d’abord, la vidéo n’est pas aussi récente que certains internautes le laissent croire. L’extrait ne provient pas de la session plénière du Parlement à Strasbourg du 23 janvier 2025 mais bien de celle du 18 juillet 2024, date de la réélection de Ursula von der Leyen. Le procès-verbal de cette séance mentionne bien Christine Anderson comme intervenante.
Ensuite, quelques rappels au règlement s’imposent. Selon l’article 171 du règlement intérieur du Parlement européen, le temps de parole des eurodéputés est généralement limité à une minute. Cette règle semble bien s’appliquer ici, puisque les eurodéputés intervenant avant et après elle ont également été limités à une minute.
En visionnant le passage de l’eurodéputée de l’AfD, il est apparent que cette dernière est avertie par la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, que son temps de parole touche à sa fin : « Thank you very much Mrs. Anderson your time is up [« Merci beaucoup Madame Anderson, votre temps est écoulé » en anglais ndlr] ». L’élue allemande a alors dépassé son temps de parole de quinze secondes.
Malgré cet avertissement, l’eurodéputée d’extrême droite continue sans sourciller, et après un cinquième rappel à l’ordre, voit son micro coupé, vingt secondes plus tard. Elle aura donc pu s’exprimer plus d’une minute trente avant que la présidente du Parlement ne ferme son micro.
Au regard de ces éléments, difficile d’estimer que l’eurodéputée Christine Anderson aurait été censurée. Elle a largement dépassé sa minute de temps de parole autorisée.
Ce rappel au règlement est tout à fait commun. Un exemple, parmi de nombreux autres, quelques minutes après l’intervention de Christine Anderson, c’est au tour de l’eurodéputé français, Raphaël Glucksmann, d’être interpellé par la présidente du Parlement pour qu’il se dépêche de terminer son intervention, sa minute autorisée étant en train de s’écouler. L’élu va alors terminer sa prise de parole, et ne verra pas son micro coupé. Il se sera exprimé près d’une minute et cinq secondes, soit moins que l’eurodéputée de l’AfD.