Attaque du 7 octobre : les manifestations étudiantes sont-elles contraires aux principes de neutralité et de laïcité ?
Dernière modification : 11 octobre 2024
Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public à l’Université de Poitiers
Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste
Source : Communiqué de Patrick Hetzel, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, le 4 octobre 2024
Les principes de neutralité et de laïcité ne s’appliquent pas aux usagers du service public d’enseignement supérieur que sont les étudiants. Ces derniers peuvent exprimer des idées politiques ou religieuses dans la mesure où cette expression ne trouble pas le bon fonctionnement des enseignements.
En réponse à des manifestations étudiantes en soutien à la Palestine, qui ont eu lieu dans plusieurs établissements, dont Sciences Po Paris, le ministre fraîchement nommé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Patrick Hetzel, a publié un communiqué dans lequel il condamne les actions au sein des universités, « qui vont à l’encontre des principes de neutralité et de laïcité du service public de l’enseignement supérieur ». Mais le ministère n’applique pas ces principes aux bonnes personnes.
Le communiqué du ministère s’appuie sur l’article L141-6 du Code de l’éducation qui prévoit que « le service public de l’enseignement supérieur est laïque et indépendant de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique ». Un rappel du principe de neutralité qui régit le service public, sa direction et ses agents.
Des principes qui ne s’appliquent pas aux étudiants
Ce que le ministère omet de dire, c’est que cette obligation de neutralité (et de laïcité, bien qu’il soit difficile de faire un lien entre ces manifestations et la religion) ne s’applique pas aux usagers du service public d’enseignement supérieur, ici les étudiants.
D’ailleurs l’article L811-1 du Code de l’éducation leur octroie une « liberté d’information et d’expression à l’égard des problèmes politiques, économiques, sociaux et culturels ». Le Conseil d’État a pu rappeler cet état du droit dans une décision de 1996.
Une vigilance portée à l’ordre public
La seule limite étant que ces expressions ne nuisent pas « aux activités d’enseignement et de recherche et ne troublent pas l’ordre public ». En somme, la direction de l’établissement doit veiller à ce qu’une manifestation, un rassemblement ou une conférence ne soient pas l’occasion d’appels à la haine par exemple, ou d’autres types de violences.
Elle peut et doit donc en toute légalité mettre à disposition des étudiants qui le demandent une salle ou un amphithéâtre, à condition d’une part que des disponibilités existent (bien des universités souffrent de pénuries de locaux), que les organisateurs s’engagent par avance à prévenir tout incident de nature à porter atteinte au service public, mais également toute infraction pénale et toute dégradation des locaux.
Cela exclut donc les occupations spontanées de locaux, ou encore les manifestations dont seraient exclus certains étudiants en raison de leur origine, leur opinion ou leur orientation sexuelle par exemple. Étant entendu que le président de l’université, qui détient un pouvoir de police, peut veiller à ce que ces manifestations se déroulent conformément à ces principes.
Le ministère est dans son rôle lorsqu’il enjoint aux présidents d’universités de veiller au maintien de l’ordre public dans leurs établissements, mais est hors sujet en voulant faire appliquer des principes qui ne concernent pas les étudiants.
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