Affaire P. Diddy : attention à ces vidéos aux titres sensationnalistes (et faux)
Autrice : Clara Robert-Motta, journaliste
Relecteur : Etienne Merle, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Hugo Guguen, juriste
Source : Compte Facebook, le 12 novembre 2024
Des vidéos et des articles, probablement générés par IA, surfent sur le scandale de l’affaire P. Diddy, chanteur accusé de trafic sexuel et de viols, pour faire du clic, quitte à raconter n’importe quoi.
“Putaclic. Terme désignant un contenu en ligne, tel qu’un article ou une vidéo, dont le titre est intentionnellement exagéré pour attirer l’attention et inciter les utilisateurs à cliquer, souvent au détriment de la véracité ou du respect du contenu promis.” Voilà comment le site lalanguefrançaise.com définit ce néologisme, et voilà comment on peut qualifier, sans aucun doute, d’innombrables vidéos et articles parlant de l’affaire P. Diddy.
Depuis l’arrestation de Sean Combs alias P. Diddy le 16 septembre 2024, on trouve des milliers de vidéos, de photos et d’articles qui entendent révéler les pires secrets du magnat de la musique et de ses soi-disant partenaires de crime. De fausses listes de “participants” aux soirées de Puff Daddy générées par intelligence artificielle ont été partagées.
Des vidéos avec des révélations… qui font plouf
Dernièrement, on trouve des centaines de vidéos montrant de prétendues images exclusives de P. Diddy entouré de célébrités qui auraient participé aux crimes dont il est accusé. Sur YouTube, plusieurs comptes, comme celui-ci ou celui-là ou encore ce dernier, publient depuis le mois d’octobre 2024 des vidéos aux titres servant d’appâts au clic directement en lien avec P. Diddy. Leurs vidéos enregistrent des millions de vues.
Tous les jours, une nouvelle vidéo est publiée dont le titre promet une révélation sur le producteur et une personnalité connue (par exemple : “Nouvelle vidéo de fête de Diddy et [insérer ici le nom d’une célébrité] qui change tout”). Nombreux sont ceux à avoir été ciblés : Jamie Foxx, Megan Fox, Eminem, Harvey Weinstein, Britney Spears, Jaden Smith, Taylor Swift, Bill Gates, Lebron James, Rihanna, et la liste continue.
Le titre n’est pas le seul élément destiné à être un piège à clics (pour être poli). Sur les miniatures des vidéos (la photo qui apparaît avant que la vidéo ne se lance), on trouve des images créées de toutes pièces grâce à des logiciels de génération par intelligence artificielle. Ainsi, on voit des images où l’on reconnaît le visage de P. Diddy et des autres célébrités nommées dans les vidéos dans des situations à la limite de la pornographie.
Un bandeau au titre racoleur engage les internautes à cliquer. (“Il m’a forcé”, “Kanye West fuit le pays”, “Diddy s’évanouit à la cour”, “Diddy les a tués”, etc.)
Que ce soit le bandeau, le titre ou l’image de la vidéo, tout est faux. Ces titres de vidéos journalières ne se basent sur aucune source factuelle. Si aucune des vidéos ne parle réellement de ce que le titre laisse entendre, le contenu des vidéos est un mélange de vraies images et (surtout) de fausses histoires.
Images d’archives et clips de rap
La plupart des vidéos durent une quarantaine de minutes et sont majoritairement composées de véritables images d’archives. Par exemple, sur la vidéo “New Party Footage of Diddy, Bill Gates & Jennifer Lopez Changes Everything” (“Nouvelle vidéo de fête de Diddy, Bill Gates et Jennifer Lopez qui change tout”, en anglais), la plupart des vidéos et images sont issues d’interviews, de clips de musique ou de photographies réelles.
Par exemple, dans l’une d’entre elles, on voit une image de Bill Gates à une fête. Mais elle n’a rien à voir avec P. Diddy. La photo a été prise le 23 janvier 2010 à une soirée de la marque “Onitsuka Tiger” à Park City dans l’Utah. Dans une autre vidéo où l’on voit P. Diddy en train de danser, l’extrait est tiré de la chaîne YouTube du rappeur pour son cinquantième anniversaire. Mais ni Bill Gates, ni Jennifer Lopez, n’y apparaissent.
Certains passages ont, eux, été générés à l’aide de logiciels d’IA, comme le prouvent des incohérences dans l’image.
D’autant que les informations contenues dans ces vidéos ou parfois même seulement les titres des vidéos (complètement mensongers) ne se limitent pas au réseau sur lequel elles sont partagées.
La désinformation comme outil économique et politique
Des sites façades générant énormément de contenus utilisent ces vidéos pour créer des articles tout aussi faux et dont le contenu est très probablement aussi généré par IA (comme nous avons pu le vérifier avec des sites d’analyse comme Scribbr). In fine, ce contenu se retrouve sur les réseaux sociaux sans plus aucun contexte sur l’origine de la (dés)information.
Il y a bel et bien une réalité de l’affaire P Diddy. Le magnat de l’industrie musicale a été arrêté et mis en examen pour des faits de trafic sexuel, et plusieurs plaintes ont été déposées contre lui. Un avocat a même lancé un appel à témoignages et aurait recueilli les témoignages d’une centaine de plaignants, dont certains ont porté plainte.
Mais ces vidéos à la chaîne instrumentalisent cette affaire — pourtant déjà bien assez documentée — pour faire des vues (et donc de l’argent), quitte à appuyer le trait sur certains aspects et surfer sur un narratif conspirationniste. L’affaire a aussi été largement utilisée comme repoussoir pendant la campagne de l’élection présidentielle américaine.
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