Affaire Mbappé : que valent les “formulaires de consentement” vantés par un auditeur de RMC ?

Des médias suédois affirment que Kylian Mbappé est visé par une enquête pour viol et agression sexuelle. (Photo : Franck Fife / AFP)
Création : 23 octobre 2024
Dernière modification : 26 octobre 2024

Autrices : Laurine Ferrari, M2 Droit pénal approfondi, et Lilou Tajana, M1 Droit pénal à Nancy

Relecteurs : Etienne Merle, journaliste

Jean-Baptiste Thierry, professeur de droit pénal à l’université de Lorraine

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste

Faire signer un formulaire de consentement, comme le prétend un auditeur de RMC, n’a aucune valeur juridique. En aucun cas, il ne permet de dédouaner une personne soupçonnée de viol ou d’agression sexuelle de sa responsabilité pénale.

Comme un éternel recommencement. Alors que Kylian Mbappé serait visé par une plainte pour viol après un séjour en Suède, la question du consentement revient inlassablement dans le débat public.

Le 16 octobre dernier, sur le plateau de RMC, un homme prétendant travailler au sein d’un cabinet d’avocats a souhaité réagir sur la manière dont certaines célébrités seraient conseillées pour éviter des poursuites : « On a une procédure où quand nos clients sortent en boîte de nuit, ils ont une attestation pré-écrite de consentement » à faire signer par le partenaire, assure l’auditeur.

À l’en croire, ce formulaire constituerait ainsi une preuve permettant à la célébrité de certifier à la justice que sa partenaire était consentante lors de leur relation sexuelle, et donc d’échapper à toute poursuite pour viol.

S’il semble bien difficile de vérifier l’existence de telles attestations, Les Surligneurs peuvent en revanche étudier leur recevabilité devant la justice.

Un formulaire sans valeur en droit pénal

Pour comprendre, il convient d’abord de lire l’incrimination de viol défini et réprimé par l’article 222-23 du Code pénal : “Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle”.

Dans le détail, plusieurs critères doivent être réunis pour qu’une telle infraction soit caractérisée, et donc susceptible d’engager la responsabilité pénale de l’auteur des faits. Tout d’abord, un acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou un acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur.

Ensuite, la réalisation de cet acte par l’utilisation d’un des quatre procédés permettant d’établir l’absence de consentement de la plaignante : la violence, la contrainte, la menace ou la surprise. Et enfin, la conscience et la volonté de commettre un viol.

La loi française estime donc que l’infraction de viol est caractérisée dès lors que ces éléments sont réunis. Il n’est nulle part prévu au sein du Code pénal une dérogation à ce processus, empêchant la caractérisation de cette infraction en présence d’un formulaire de consentement.

D’autant que le formulaire pourrait bien être signé sous la contrainte et que le consentement peut se retirer à tout moment. Si une personne souhaite avoir une relation sexuelle, mais qu’elle ne le souhaite plus ensuite, aucun formulaire ne peut l’obliger à maintenir son consentement.

Aucune incidence juridique

Ainsi, on ne peut pas écarter l’existence d’une infraction au bénéfice de la signature d’un contrat. Même en dehors du droit pénal, ces formulaires de consentement ne servent à rien.

En matière médicale, par exemple, les professionnels de santé pensent souvent se prémunir contre toute action en faisant signer un formulaire de consentement à leurs patients. Mais, même donné par écrit, un consentement peut se retirer à tout moment, comme le prévoit le quatrième alinéa de l’article L.1111-4 du Code de la santé publique.

Et il en va de même pour la célèbre mention “lu et approuvé”. Bien qu’il était obligatoire d’apposer cette mention lors de la création du Code civil en 1804, il n’en est plus rien depuis 1980.

Désormais, seule la signature est requise par l’article 1367 du Code civil pour rapporter la preuve du consentement des parties à un contrat. La Cour de cassation l’a d’ailleurs rappelé à plusieurs reprises, comme en 1993 ou en 2008 : le fait de ne pas apposer une telle formule n’a plus aucune incidence juridique sur la validité du contrat.

Risque de dénaturer la définition du viol

Pour autant, est-il concevable que la loi pénale française reconnaisse un jour une valeur juridique à un tel formulaire ? Quels pourraient en être les dangers ? À l’heure actuelle, s’il peut être envisagé d’introduire la notion de consentement au sein de la définition du viol, il n’en est rien quant à l’octroi d’une valeur juridique à de tels documents.

Introduire dans la loi française ce mécanisme risquerait de dénaturer la définition du viol et de laisser penser que tout acte perpétré après signature pourrait alors être “couvert” par le contrat. Or, il est important de rappeler que le consentement peut être retiré à n’importe quel moment : bien que le ou la partenaire ait pu être consentant au commencement des rapports sexuels, cela ne veut pas dire qu’il ou elle l’ait été tout du long.

L’auditeur de RMC, tout comme ses prétendus clients, ferait donc bien de réfléchir à deux fois avant de conseiller la signature de tels formulaires.

 

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