La NUPES souhaite “suspendre les financements européens des États membres qui ne respectent pas l’État de droit ou les libertés fondamentales”
Dernière modification : 4 février 2023
Auteur : Raian O’Neill, master de droit de l’Union européenne, Sciences Po Saint-Germain-en-Laye et Université Aix-Marseille
Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Relecteur : Vincent Couronne, docteur en droit européen, chercheur associé au centre de recherches VIP, Université Paris-Saclay
Secrétariat de rédaction : Loïc Héreng, Emma Cacciamani et Yeni Daimallah
Source : Programme partagé de gouvernement de la NUPES, 19 mai 2022
Il existe déjà une sanction du non-respect de l’État de droit, par la privation de fonds européens. La NUPES n’invente donc rien, mais il est vrai que la procédure existante ne donne pas entièrement satisfaction.
La Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale (NUPES) a dévoilé le jeudi 19 mai 2022 son programme en vue des élections législatives. Sur l’Europe, elle réaffirme son attachement au respect de l’État de droit, en proposant de suspendre l’attribution des fonds européens aux États membres qui enfreignent ce principe et portent atteinte aux libertés fondamentales. Mais l’Union européenne n’a pas attendu l’union de la gauche pour conditionner l’attribution des fonds européens au respect de l’État de droit, même si cette procédure n’est pas systématiquement utilisée.
Il existe déjà des mécanismes de sanction
L’État de droit impose à tout État de mettre en place des mécanismes, notamment juridictionnels, aptes à faire respecter les droits que les citoyens tiennent des textes comme la Constitution, les lois, mais aussi le droit européen ou international. Ainsi, un citoyen qui estime que l’État le soumet à des traitements inhumains ou dégradants doit pouvoir saisir la justice en vertu de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. L’État de droit est érigé au rang de valeur commune à tous les États membres par le traité sur l’Union européenne. Il implique donc que l’autorité publique ne puisse s’affranchir arbitrairement des règles juridiques organisant la société et protégeant les droits des citoyens. Or, l’État de droit a fait l’objet de violations répétées, notamment par la Hongrie et la Pologne, et les mécanismes de sanction existants au niveau européen se sont révélés insuffisants pour y mettre un terme.
Les raisons : l’inefficacité de la procédure de “recours en manquement” devant la Cour de justice de l’Union pour obliger la Pologne et la Hongrie à ne plus violer l’État de droit, et l’impossibilité pour l’Union européenne d’appliquer la procédure de sanction (qui permettrait de suspendre les droits de vote de la Hongrie et de la Pologne), car il faut l’unanimité des voix moins celle de l’État incriminé ; or, la Pologne et la Hongrie se protègent mutuellement en refusant de voter les sanctions.
De nouveaux instruments qui pourraient être mieux utilisés
Cet échec a poussé le Parlement européen et le Conseil – qui représente les États – à adopter en décembre 2020 un règlement relatif à un régime général de “conditionnalité” pour la protection du budget de l’Union. Ce régime permet à la Commission européenne de déclencher une procédure privant de fonds européens les États membres ne respectant pas l’État de droit, sous réserve toutefois que ces violations portent atteinte au budget de l’Union. Tel est le cas avec la remise en cause de l’indépendance de la justice en Pologne, qui refuse d’enquêter sur les détournements de fonds européens, ce qui impacte bien le budget européen.
C’est ainsi que le 5 avril 2022, quelques jours après la victoire de Viktor Orbán aux élections législatives de son pays, la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a déclenché cette procédure contre la Hongrie, après de longs mois d’atermoiement et sous la pression du Parlement européen et des eurodéputés La France insoumise. Une des originalités de ce mécanisme réside dans le fait qu’il a beaucoup plus de chances d’aboutir que la procédure de sanction, le Conseil votant à la majorité qualifiée et non à l’unanimité. Mais la procédure pourrait encore prendre plusieurs mois avant de réellement aboutir, retardant d’autant plus la perspective de voir la situation en Hongrie et en Pologne s’améliorer.
Ce n’est pas la première fois que la Commission européenne cherche à suspendre les financements des États membres qui ne respectent pas l’État de droit. Depuis bientôt un an, l’exécutif européen prive en effet la Pologne et la Hongrie des fonds du plan de relance européen, ces deux pays n’ayant pas levé les inquiétudes concernant le respect de l’État de droit. Cela représente tout de même 35 milliards d’euros pour la Pologne et 7,2 milliards pour la Hongrie. Si la proposition de la NUPES trouve déjà une réponse dans les textes européens, la procédure conditionnant les fonds européens au respect de l’État de droit pourrait en effet être appliquée de façon plus systématique.
La seule amélioration pouvant être apportée, en modifiant les traités, serait de généraliser la suspension des financements à tous les cas de non-respect de l’État de droit, pas seulement ceux qui affectent les financements européens.
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