1/3 La vaccination obligatoire des salariés, ce n’est pas nouveau !
Dernière modification : 24 juin 2022
Auteur : Pascal Caillaud, chargé de recherche CNRS en droit social, Laboratoire Droit et changement social, Université de Nantes
La vaccination des salariés n’est pas une nouvelle question née avec l’épidémie de Covid. Des vaccinations obligatoires existent depuis de nombreuses années et le refus d’un salarié de s’y soumettre a déjà donné lieu à des décisions de justice.
Des obligations vaccinales professionnelles bien antérieures au Covid
L’obligation de vaccination de certains professionnels existe depuis la loi du 27 août 1948 concernant à l’époque la variole, les fièvres typhoïde et paratyphoïde A et B, la diphtérie et le tétanos. Entre 1964 à 1996, étaient soumises à la vaccination obligatoire contre la tuberculose les personnes manipulant, préparant ou conditionnant des denrées et produits alimentaires (produits laitiers, viandes, pain, conserves, plats cuisinés ou préparés, etc.). Aujourd’hui, le Code de la santé publique (CSP) énumère nombre d’activités professionnelles déjà soumises à obligation vaccinale.
L’exposition à un risque de contamination du travailleur, salarié comme indépendant, ou des personnes dont il a la charge, est le motif principal justifiant cette obligation. Cette exposition peut être directe (notamment par projection) mais également indirecte (par la manipulation et le transport de dispositifs médicaux, ou de prélèvements biologiques par exemple).
Sont visées les personnes qui exercent une activité professionnelle dans un établissement public ou privé de santé, sanitaire ou social mais aussi les blanchisseries, les pompes funèbres, le transport de corps, les services d’incendie et de secours. Par extension, les élèves et étudiants aux professions de santé sont également soumis à cette obligation.
Jusqu’à l’épidémie de Covid, les maladies visées étaient l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite. La vaccination obligatoire contre la grippe a été suspendue en 2006 et celle contre la tuberculose (BCG) en 2019, pour les étudiants aux professions médicales, sanitaires et sociales, les sapeurs-pompiers, etc. La preuve de l’immunisation est apportée par la présentation d’une attestation médicale de vaccination.
Au-delà de cette obligation générale, certaines professions spécifiques sont également concernées par l’obligation vaccinale, tels les thanatopracteurs contre l’hépatite B (CSP, art. L. 3111-3) ou les militaires selon le calendrier vaccinal des armées. La vaccination contre la fièvre typhoïde, toujours prévue pour les personnels des laboratoires de biologie médicale (CSP, art. L. 3111-4 al.2) a été suspendue en 2020.
Toutes les dépenses liées à cette vaccination professionnelle sont prises en charge par l’employeur (CSP, art. L.3111-4 al.5) .
La vaccination obligatoire contre le Covid, une de plus
Avec la loi du 5 août 2021, la liste des professions soumises à la vaccination obligatoire contre le Covid-19 s’allonge. Outre les « soignants », on y retrouve les salariés, y compris des services administratifs, travaillant au sein d’établissements de santé (publics, privés, militaires), d’établissements médico-sociaux (EHPAD, en charge de personnes en situation de handicaps…), des structures accueillant des personnes en situation de précarité ou de toxicomanie, d’alcoolisme par exemple. Sont aussi concernés les salariés de transport sanitaire (ambulanciers ou taxis conventionnés) ou les pompiers professionnels et volontaires.
Les salariés d’un particulier employeur (Code du travail, art L. 7221-1), effectuant des interventions au domicile de personnes bénéficiant de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ou de la prestation de compensation du handicap (PCH) sont également soumis à cette obligation.
Quelle échéance ?
A compter du 15 septembre 2021, le seul test négatif au Covid-19 de moins de 72 heures ne sera plus suffisant pour exercer ces activités : le salarié devra alors impérativement fournir un justificatif de vaccination, un certificat de rétablissement s’il a eu le Covid, ou un certificat médical de contre-indication. A titre provisoire, entre le 15 septembre et le 15 octobre, une première dose de vaccin et un test négatif suffiront.
L’employeur qui ne contrôle pas le respect de l’obligation vaccinale encourt une amende prévue pour les contraventions de 5ème classe, soit 1500 euros. S’il se fait verbaliser plus de 3 fois dans un délai de 30 jours, il risque alors un an d’emprisonnement et 9000 euros d’amende. Cette sanction n’est toutefois pas applicable aux particuliers employeurs.
En cas de refus du travailleur : une situation déjà traitée par le juge
Avant la loi du 5 août, rien n’était spécifiquement prévu sur le sort du contrat de travail en cas de non-vaccination. Seules des amendes de 1500 à 3000 euros (CSP, art. R. 3116‑1 et R. 3116‑2), étaient prévues, mais sans influence sur le contrat de travail : c’était alors au juge de trancher d’éventuels litiges.
Pour la Cour de cassation, le refus par un salarié d’une vaccination obligatoire est une cause réelle et sérieuse de licenciement. Tel fut le cas en 2012 pour un salarié du secteur des pompes funèbres, en l’absence de toute contre-indication bien entendu. Mais cause réelle et sérieuse de licenciement ne signifie pas faute du salarié et encore moins une faute grave comme la Cour de cassation l’a précisé concernant un ambulancier en 2009 ou un agent hospitalier contractuel en 2012.
Cette jurisprudence trouverait-elle à s’appliquer dans le cas de la vaccination obligatoire contre le Covid ? Aucun élément particulier de la loi du 5 août 2021 ne s’y oppose.
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