Jean-Marie Bigard se résigne au passe sanitaire pour son spectacle, après avoir clamé le contraire
Dernière modification : 24 juin 2022
Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Source : Ouest France, 22 juillet 2021
Jean-Marie Bigard ne pouvait de toute façon pas donner des ordres pour l’organisation de son spectacle, car cela relève du seul propriétaire exploitant de la salle. En plus, le non-respect des normes sanitaires en vigueur peut coûter cher pénalement.
Volte-face, retour à la raison, peur du gendarme ? Se produisant le 23 juillet à Fréjus et le 24 à Nice, les spectacles de Jean-Marie Bigard avaient très probablement été programmés bien avant le décret du 19 juillet 2021 qui soumet désormais l’accès aux “salles d’auditions, de conférences, de projection, de réunions, de spectacles ou à usages multiples” à la présentation d’une preuve de vaccination ou de non-contamination, dès que le seuil de 50 personnes est dépassé. Peu importe que la salle en question soit en plein air, comme c’est le cas à Fréjus.
La notoriété et le succès de Jean-Marie Bigard font qu’il y a peu de chances que moins de 50 personnes souhaitent assister à ses prochains spectacles. Le passe sanitaire s’appliquera donc dans sa version du décret du 19 juillet 2021, qui est entré en vigueur dès le lendemain de sa publication au journal officiel (20 juillet), c’est-à-dire le 21 juillet (sachant qu’un passe sanitaire plus général est en préparation devant le Parlement).
Bon mais admettons, admettons ! Nous sommes le 23 juillet, Arène de Fréjus. Les personnels de la salle ont pour instruction de ne vérifier que les billets d’entrée et pas les documents sanitaires. Mais premier problème, Jean-Marie Bigard et sa société productrice ne font que louer la salle de spectacle, ils n’en sont pas les exploitants. Seul l’exploitant veille au bon déroulement du spectacle, que ce soit en amont (vérification des billets, des passes sanitaires, et fouilles), ou en aval (sortie en bon ordre, remise en état). En l’occurrence, s’agissant d’une salle appartenant à la commune, cette dernière en est en principe l’exploitant, à moins qu’elle ait confié ce soin à une société qu’elle contrôle étroitement, peu importe. On voit dès lors mal la commune passer outre l’application d’un décret, et d’ailleurs le site de l’Arène de Fréjus donne le ton : “Suite aux annonces gouvernementales le pass sanitaire sera en place sur l’ensemble des événements dans le Théâtre Romain et sur les Arènes de Fréjus à compter du 21 juillet”.
Bon mais admettons, admettons ! Le maire entend ne pas contrarier un possible candidat à l’élection présidentielle, on ne sait jamais. En plus, Jean-Marie Bigard a le lâcher d’insultes facile : il en fait un élevage et quand il les lâche elles ne sentent pas l’eau de Cologne.
Bref, le maire ordonne aux personnels de l’Arène de ne pas vérifier les passes sanitaires. Quelles conséquences ? Énumérons brièvement.
- La commune se met en infraction, plus spécialement celui qui donne l’ordre, qu’il s’agisse du maire ou de tout autre agent, ce qui l’expose à six mois d’emprisonnement et 10 000 € d’amende (Code de la santé publique, art. L. 3136-1).
- Les spectateurs en infraction encourent une contravention de quatrième ou cinquième classe selon les cas, et jusqu’à 3750 euros en cas de récidives multiples.
- Toute personne ayant contracté le covid-19, si elle est en mesure de prouver le lien de causalité entre la maladie et sa présence au spectacle (par exemple en remontant la chaîne des cas contacts), pourra se retourner contre la commune.
- Quant à Jean-Marie Bigard et la société de production enfin, ils ne risquent en réalité pas grand-chose car ils ne sont pas donneurs d’ordre.
Reste qu’en termes de communication, cela ne serait pas du plus bel effet. On s’empresse d’ajouter que ce surlignage ne constitue pas une plaidoirie pour le passe sanitaire vaccinal, mais un rappel de l’état du droit. Ironie du sort, le spectacle de Nice du 24 juillet est reporté en raison des risques liés aux manifestations des anti-vaccins.
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