Robert Ménard , maire de Béziers, souhaite que les « Fichés S » soient « automatiquement expulsés s’ils sont étrangers »
Dernière modification : 15 juin 2022
Auteur : Thibaut Fleury-Graff
Source : Compte Twitter @RobertMenardFR, 13 mai 2018
L’expulsion d’un étranger constituant une menace pour l’ordre public est d’ores et déjà possible sous certaines conditions, mais elle ne saurait être « automatique » du seul fait de la qualité d’étranger et d’un « fichage s ».
Suite à l’attaque au couteau commise le 12 mai dernier à Paris, dans le quartier de l’Opéra, par un homme de 20 ans, Robert Ménard a relancé sur Twitter le débat sur les « Fichés S » en jugeant qu’il y en « a trop », que les services de renseignements en sont « débordés » et qu’il faudrait par conséquent « expulser automatiquement » ceux des fichés S qui sont étrangers.
Rappelons tout d’abord si nécessaire que la « Fiche S », généralement émise par la Direction générale de la Sécurité intérieure, est une fiche de renseignement dont l’objet est de signaler les personnes dont l’activité peut représenter, à un moment ou à un autre, un risque de trouble à l’ordre public ou une atteinte à la sécurité de l’État. Il y a aujourd’hui environ 20 000 personnes « fichées S » en France, soit 0,03% de la population française.
Juridiquement, l’ « expulsion » est une mesure de police administrative prévue par l’article L. 521-1 CESEDA (code régissant l’entrée et le séjour des étrangers sur le territoire français). Elle a pour objet d’éloigner du territoire français un étranger qui constitue une « menace grave pour l’ordre public ». Pour constituer une telle menace, l’étranger doit avoir commis certains crimes ou délits particulièrement graves (violences physiques, trafic de stupéfiant, terrorisme…), et/ou avoir un comportement général menaçant la sécurité des personnes ou de l’État. Un fiché S ne peut donc pas être expulsé du seul fait qu’il soit fiché, puisque la fiche S a précisément pour objet de surveiller les personnes indépendamment de toute sanction pénale.
Dans un sens plus commun, « l’expulsion » s’entend aussi de tout éloignement du territoire français. Peut ainsi être éloigné sur le fondement de l’article L. 511-1-I-7° du CESEDA l’étranger qui constitue une menace pour l’ordre public s’il est en situation irrégulière. S’il est en situation régulière, son titre de séjour pourra lui être retiré (sur le fondement par exemple de l’article L. 313-3 CESEDA), et l’éloignement intervenir dans un deuxième temps.
Dans tous les cas, la décision d’expulsion ne peut être adoptée qu’après un examen individuel de la situation de la personne. L’autorité administrative – généralement le préfet – doit mener une enquête afin de vérifier la réalité de la menace à l’ordre public. C’est à ce titre que la « fiche S » pourra être prise en compte, mais elle n’est généralement pas suffisante. Mais l’éloignement ne saurait être « automatique » sans constituer une violation de l’article 4 du Protocole n° 4 de la Convention européenne des droits de l’Homme, qui interdit les expulsions collectives, et des principes mêmes de l’État de droit, qui donnent à chacun le droit de faire entendre individuellement sa cause. C’est grâce à ce principe par exemple que Robert Ménard a gagné récemment, dans un tout autre domaine, le procès que le Midi Libre lui avait intenté en diffamation.
Enfin, notons qu’en l’espèce, l’expulsion automatique des étrangers « fichés S » n’aurait rien changé : l’auteur de l’attaque du 12 mai 2018 était de nationalité française.
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