Nicolas Bay (RN) à propos de Génération identitaire : “est-ce qu’une association, lorsqu’elle déplait à M. Darmanin, ça suffit pour qu’elle soit dissoute ?”
Dernière modification : 21 juin 2022
Autrice : Alice Fialaire, master droit public des affaires, Université Jean-Moulin Lyon 3, sous la direction de Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Source : RFI, invité de la matinale de Frédéric Rivière, 16 Février 2021, 6’36
La dissolution d’une association loi 1901, ne peut reposer sur la simple décision discrétionnaire du ministre de l’Intérieur. Elle résulte au contraire d’une appréciation concrète des faits à la lumière du Code de la sécurité intérieure sous le contrôle du juge.
Nicolas Bay, député européen du Rassemblement national (RN), s’est exprimé à la suite de l’annonce du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, annonçant une procédure de dissolution du mouvement Génération Identitaire. Le député européen accuse le ministre de l’Intérieur de prendre une décision purement discrétionnaire, pour le seul motif que l’association en cause lui “déplait”.
Or il faut ici distinguer le droit du politique : Nicolas Bay a peut-être raison de soupçonner Gérald Darmanin de manœuvre politique – après tout, le ministre de l’Intérieur aurait très bien pu ne pas médiatiser comme il l’a fait la menace de la dissolution. Il n’en reste pas moins que des règles juridiques encadrent de telles dissolutions, indépendamment des “goûts” du ministre de l’Intérieur. Et si ces règles ne sont pas respectées, la justice pourrait être saisie et annuler la dissolution de Génération identitaire. Qu’en est-il ici ? Dissoudre Génération identitaire serait-il illégal ?
Le mouvement Génération identitaire est une association au sens de la loi de 1901. Et, comme toute association, elle bénéficie de la liberté d’association, une liberté érigée au rang de liberté fondamentale en droit interne par le Conseil Constitutionnel depuis 1971, en droit européen avec la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (article 12), et en droit international avec la Déclaration universelle droits de l’homme (article 20) et la Convention européenne des droits de l’homme (article 11).
Néanmoins, la loi permet à l’autorité de dissoudre une association. Ce pouvoir est très encadré. La dissolution se prononce par un décret du président de la République pris en Conseil des ministres, comme ce fut le cas en 2020 pour des associations prônant un islam radical (BarakaCitiy, CCIF, Cheikh Yassine) ou pour des associations de supporters, notamment du PSG. Surtout, la dissolution ne saurait être prononcée en fonction des goûts d’un ministre, sinon le juge l’annulerait.
La dissolution est en effet permise par l’article L212-1 du Code de sécurité intérieure , dans deux cas : 1/ l’association en cause incite à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes, en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ; 2/ l’association en cause propage des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence.
Ainsi, la question du député européen trouve une réponse à la lecture des conditions prévues par le Code de sécurité intérieure. Le ministre de l’Intérieur n’exprime en rien sa conviction, mais constate des faits pouvant faire l’objet d’une condamnation et donc d’une dissolution.Et si ce constat est erroné, le juge en tirera la conséquence en annulant la dissolution. En somme, il est toujours possible de se demander si la procédure enclenchée par M.Darmanin est politique, médiatique, et s’il pouvait aussi s’attaquer à d’autres associations d’un autre bord politique. Mais en droit, une association ne peut être dissoute sans motifs légaux et vérifiés par le juge. Le dernier mot reviendra donc au juge.
Contacté, Nicolas Bay n’a pas souhaité faire de commentaire.
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