Le Syndicat national des policiers municipaux poursuivra les maires refusant l’armement des policiers municipaux pour “mise en danger de la vie d’autrui”
Dernière modification : 21 juin 2022
Auteur : Alex Yousfi, étudiant en Master 2 Droit privé approfondi, sous la direction d’Audrey Darsonville, professeure des universités en droit privé et sciences criminelles
Source : CNEWS, la Matinale du weekend, 21 novembre 2020, 2:24:31’
Yves Bergerat se trompe de délit. La mise en danger d’autrui est un délit punissant uniquement le fait d’exposer des personnes à un risque de blessures ou de mort. Si un policier municipal était blessé ou tué, M. Bergerat pourrait attaquer le maire sur la base de l’homicide ou de blessures involontaires par imprudence, négligence, ou non-respect des lois et règlements. Selon nous il n’a aucune chance de faire condamner le maire avec cette accusation.
Invité à s’exprimer à propos du refus d’Anne Hidalgo, maire de Paris, d’armer la future police municipale parisienne, le président du Syndicat national des policiers municipaux, Yves Bergerat, considère, au contraire, que tous les policiers municipaux devraient être armés. Au nom de son syndicat, il a annoncé qu’il demandera des poursuites, pour mise en danger de la vie d’autrui, contre les maires ayant refusé d’armer leurs policiers municipaux, chaque fois que l’un d’eux sera tué ou blessé en service. Problème : si la sécurité des policiers municipaux peut légitimement inquiéter ce syndicat, cette annonce se heurte à plusieurs obstacles en l’état actuel du droit.
D’abord, le maire est seul chargé de la police municipale, sous le contrôle du préfet de département (article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales), et décide donc seul de l’armer ou pas.
Le Syndicat national des policiers municipaux veut ainsi inciter les maires à armer leur police municipale, alors que rien ne les y oblige en l’état actuel du droit (précisons toutefois que certains parlementaires voudraient modifier la loi et rendre l’armement des policiers municipaux obligatoire).
Mais l’infraction de “mise en danger de la vie d’autrui” n’est pas adaptée. Cette infraction, dite de “risques causés à autrui” sanctionne les actes pouvant entraîner la mort ou des atteintes physiques graves, mais n’exige pas de tels résultats. Pour le dire autrement, cette infraction consiste seulement dans “le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente” (article 223-1 du code pénal). L’infraction est déconnectée de tout résultat dommageable, contrairement aux blessures involontaires ou à l’homicide involontaire.
Yves Bergerat dit vouloir poursuivre le maire, pour mise en danger de la vie d’autrui, “si un policier municipal est blessé ou tué, alors qu’il ne portait pas d’arme”. Sa déclaration est maladroite : par hypothèse, si les policiers trouvent la mort ou sont blessés, ils ne sont plus exposés à un risque. Le fondement juridique n’est pas le bon : il se trompe de délit.
Pensait-il en réalité à des poursuites pour blessures involontaires ou à l’homicide involontaire ? Cette hypothèse est aussi irréaliste. Il faudrait, pour faire condamner le maire, une violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement. Or, aucune loi ni aucun règlement n’oblige à armer les policiers municipaux. Ou bien il faudrait une “faute caractérisée” du maire selon la loi, et on ne voit pas comment un juge reconnaîtrait une telle faute. Et on passera sur l’exigence d’un lien de causalité, encore plus hypothétique ici.
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