Selon Marine Le Pen, “Les étrangers islamistes doivent être renvoyés chez eux”
Dernière modification : 21 juin 2022
Autrice : Clémence Papion, étudiante en Master droit des organisations internationales à l’université Jean Moulin, Lyon III, sous la direction de Tania Racho, docteure en droit public
Source : La Matinale de CNEWS, le 4 novembre 2020
Peut-être, mais en respectant les conditions du droit français, qui n’autorise pas l’expulsion sur la seule base d’une idéologie, même radicale. Et même si on modifiait la loi française, il faudrait encore que les pays d’origine acceptent de reprendre leurs ressortissants. C’est tout sauf garanti.
Face aux attentats islamistes récents, Marine Le Pen, apporte sa réponse : “les étrangers islamistes doivent être renvoyés chez eux”. Mais elle semble ici oublier qu’en l’état actuel du droit il existe des conditions à réunir pour pouvoir expulser un étranger du sol français.
Nous avons déjà eu l’occasion de traiter le cas des étrangers délinquants. Mme Le Pen soulève celui des étrangers radicalisés qu’elle qualifie d’étrangers islamistes. Il faudra d’abord qu’elle définisse ce qu’est un étranger islamiste.
Ensuite, le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile énonce la procédure à suivre en matière d’expulsion d’un étranger. Cette procédure sera différente en fonction du statut de l’étranger : citoyen européen, immigré, réfugié, étranger en situation irrégulière. Les islamistes radicalisés peuvent appartenir à n’importe laquelle de ces catégories. Quoi qu’il en soit, l’expulsion se déroule en plusieurs étapes.
II faut que l’étranger constitue une menace grave pour l’ordre public, par exemple parce qu’il a commis des délits particulièrement graves. Le fait d’adopter à titre personnel un islamisme rigoureux, voire extrémiste, ne constitue pas un tel acte. Il serait donc compliqué d’expulser un étranger en raison de sa pensée, de ses opinions, aussi extrémistes qu’elles soient. Cela irait à l’encontre de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (article 10) qui proclame la liberté d’opinion.
D’autres conditions doivent être remplies s’agissant de l’expulsion de ressortissants de l’Union européenne. Quant à l’expulsion des mineurs, elle est interdite.
De plus, un étranger ne peut être renvoyé que dans l’un des pays suivants :
- le pays dont il a la nationalité : les choses se compliquent lorsque le pays en question est en situation de guerre. Dans ce cas, il n’est pas possible de procéder à l’expulsion (article L-513-2 §1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile).
- un autre pays, mais seulement avec l’accord de ce pays. Or la France fait ici face à l’opposition de ces pays d’accueil, dont le principal argument est que la radicalisation de ces individus s’est opérée en France et non sur leur territoire: la France devrait donc traiter elle-même ces personnes.
Enfin, si l’islamiste radicalisé risque un traitement inhumain ou dégradant dans le pays vers lequel il est censé être expulsé, la France sera condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme.
En conclusion, même quand les conditions légales de l’expulsion sont remplies, la mise en œuvre de cette expulsion n’a rien de garanti..
À ce sujet, le Ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, s’est récemment déplacé dans les principaux pays par lesquels les islamistes extrémistes transitent avant de venir en France, ou dont ils sont originaires (Italie, Maroc, Algérie…). Il tente de trouver avec ces pays un accord en vue de l’expulsion des étrangers soupçonnés de radicalisation.
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