La ville de Lille, dirigée par Martine Aubry (PS) a adopté une motion visant à suspendre l’implantation ou l’allumage d’antennes 5G
Dernière modification : 20 juin 2022
Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université de Paris-Saclay
Source : Le Monde, 10 octobre 2020
Une ville ne peut pas adopter une motion dans un domaine qui ne relève pas de sa compétence. Or, le pouvoir de décider si on peut ou non installer des antennes 5G appartient au seul Gouvernement, pas aux villes. La motion votée par la ville de Lille est donc illégale.
C’est de nuit que cette « motion » a été votée, en attendant la publication d’un rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), qui devrait paraître en 2021. En cela, Lille suit l’exemple de Bordeaux.
Or lorsqu’un conseil municipal adopte une délibération dans un domaine qui en réalité ne relève pas de la commune mais de l’État, elle est illégale. Si c’est un arrêté du maire ou un refus de permis d’installer une antenne, c’est tout aussi illégal. On en a vu des exemples devant le Conseil d’État depuis déjà 2011, justement à propos de réglementations municipales portant sur les antennes-relais ou de maires refusant de leur implantation. Chaque fois, le juge a donné tort à la commune, car il appartient à l’État seul de régir l’installation des antennes-relais et d’assurer dans ce domaine une « police sanitaire » (réglementation des implantations, de la puissance des antennes, etc.). Un maire ne peut en principe s’opposer à l’installation d’antennes-relais que sur la base de lois d’urbanisme (par exemple pour protéger un monument historique), mais pas au motif d’une atteinte possible à la santé, faute de preuves scientifiques à ce jour. Peu importe aussi selon le Conseil d’État, que la commune invoque le fameux « principe de précaution » : ce principe n’est en rien un principe d’abstention « en attendant que… » mais un principe d’action accompagné de mesures de surveillance.
On notera que, cette fois-ci, le conseil municipal de Lille a choisi une délibération sous forme de « motion » à en croire la presse, et non d’une délibération municipale classique. Une « motion » n’a pas de valeur réglementaire contrairement à la délibération municipale, ce qui signifie que sa portée (ou sa valeur juridique) est celle d’un simple vœu ou d’une recommandation, qui ne s’impose ni au maire ni à personne.
Il n’empêche : le Conseil d’État, en 2009, a annulé un simple vœu d’un conseil départemental exprimant une opposition aux essais et cultures en plein champ de plantes génétiquement modifiées sur le territoire départemental. Motif : « il est loisible aux (départements) de prendre des délibérations qui se bornent à des vœux, des prises de position ou des déclarations d’intention », mais ces délibérations ne peuvent porter sur « un objet étranger aux attributions du département ». Or la réglementation des OGM relève d’une police étatique et non du département.
Ce qui vaut pour la réglementation des OGM vaut pour celle des antennes-relais en 5G, et ce qui vaut pour les départements vaut pour les communes.
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