Croix de Quasquara : non, la plaignante n’est pas mariée à un chercheur du CNRS converti à l’islam
Autrice : Clara Robert-Motta, journaliste
Relecteur : Etienne Merle, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Clara Robert-Motta, journaliste
Source : Compte Facebook, le 10 octobre 2025
Une décision de justice intime à un maire corse d’enlever un calvaire qu’il avait fait poser et qui était contesté par une habitante du village. Une fausse information selon laquelle cette plaignante serait la compagne d’un chercheur, musulman et membre d’un centre en rapport avec cette religion, circule.
C’est la discorde dans ce village corse situé sur les hauteurs d’Ajaccio. Ce 10 octobre 2025, le tribunal administratif de Bastia a donné raison à une habitante du village de Quasquara qui demandait au maire d’enlever un calvaire – ces croix que l’on trouve le long des routes – édifié dans la commune en novembre 2022.
Le tribunal a décidé que « Mme F. est fondée à soutenir que la décision contestée méconnaît les dispositions de l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 » qui dispose qu’« il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit ».
En effet, les magistrats de Bastia ont estimé que la mairie n’avait pas produit de preuve pour justifier que ce calvaire aurait été édifié « dans la continuité de l’enlèvement [d’une] ancienne » et qu’ainsi elle devait être regardée comme une « construction nouvelle et [que] son édification sur un emplacement public […] méconnaît ces dispositions ».
Une forte opposition à la décision
Dans le village, la décision ne passe pas, et une nouvelle manifestation a eu lieu dans la commune durant le weekend pour la contester et apporter son soutien au maire. Sur les réseaux sociaux, des internautes indignés par la décision judiciaire s’en sont pris directement à l’habitante à l’origine de la demande d’enlèvement de la croix en révélant son nom de famille. Certains ont fait un rapprochement avec une personne du même patronyme.
« TOUT S’EXPLIQUE !!! Même si c’est avant tout une querelle de personne entre une ancienne candidate sur la liste battue et le maire élu, nous ne devons pas accepter qu’une femme aigrie, [Mme F.]* fasse déposer une croix à l’entrée de son village, Quasquara. […] Cette compagne de monsieur [X]* !!! lui même chercheur au CNRS et [membre d’un centre en lien avec la religion musulmane]* », croit dénoncer un internaute. « Virez donc madame [F.] et son mari ISLAMISTE et directeur de recherche au CNRS en priorité ! », écrit un autre sur X.
Sauf que c’est faux, la plaignante n’est pas la compagne de cet homme qui ne partage avec elle que son second nom de famille d’origine corse.
Aucun lien
La rumeur s’est répandue comme une traînée de poudre. Dans l’après-midi du 10 octobre, juste après la décision du tribunal, un internaute fait le rapprochement entre le nom d’un scientifique converti à l’islam et celui de la plaignante qu’il présente comme sa compagne dans une publication qui sera partagée plus de 5 200 fois.
Si ce chercheur au CNRS, membre d’un centre qui a « pour ambition de faire connaître le patrimoine spirituel et intellectuel de la civilisation musulmane » existe, il n’a rien à voir avec l’habitante de Quasquara, comme il l’a confirmé aux Surligneurs par téléphone. Il s’agit simplement d’un patronyme identique.
Le caractère complètement factice de l’information ne l’a pas empêchée de devenir complètement virale. Dans un reportage à France 3 Corse, l’habitante octogénaire dit être harcelée sur les réseaux sociaux et vouloir porter plainte pour menaces. Un de ses amis explique à France 3 qu’elle avait simplement demandé à ce que la croix soit déplacée à un autre endroit que sur l’espace public. Une pétition en ligne pour le maintien de la croix à Quasquara – 61 habitants en 2022 – avait été signée par plus de 24 000 personnes au moment de la parution de l’article.
* Les noms des personnes et des établissements ont été masqués afin de ne pas les exposer à un potentiel harcèlement.