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Édito. Le silence de la constitution

La cérémonie de passation de pouvoir entre François Bayrou et Sébastien Lecornu s'est tenue à l'Hôtel Matignon à Paris le 10 septembre 2025. Photo : Ian Langsdon / Pool / AFP
Création : 9 octobre 2025

Auteur : Bertrand-Léo Combrade, Professeur de droit public à l’Université de Poitiers

Dans un éditorial pour Les Surligneurs, Bertrand-Léo Combrade, professeur de droit public, responsable du pôle droit constitutionnel des Surligneurs, revient sur la valse des démissions et des intérims ministériels qui plongent la Ve République dans une zone grise institutionnelle. Il rappelle que ce silence n’est pas un vide, mais un espace de liberté et de responsabilité politique.

Des ministres démissionnaires doivent-ils continuer d’expédier les affaires courantes lorsque le Premier ministre a présenté la démission d’un gouvernement composé de ministres qui étaient censés leur succéder ?

Que se passe-t-il si les délais fixés par la Constitution pour l’adoption du budget ne sont pas respectés ? Un ministre démissionnaire peut-il renoncer à expédier les affaires courantes ? Le Président de la République pourrait-il renommer un Premier ministre dont le Gouvernement vient d’être renversé par l’Assemblée nationale ?

La période d’instabilité politique qui s’est ouverte en 2024, récemment ponctuée par des initiatives pour le moins inattendues, suscite une diversité d’interrogations inédites qui sont adressées aux constitutionnalistes.

Ces interprètes de la Constitution de 1958, dont l’autorité scientifique est pourtant attestée par leurs titres universitaires, sont parfois bien en peine de répondre précisément à certaines de ces questions.

Tout simplement, car ce texte, tout en fixant des limites à l’action du gouvernant, n’a jamais eu vocation à tout anticiper. Une Constitution a pour objet d’organiser l’exercice du pouvoir politique, mais ce n’est pas un Vade-Mecum.

Encore moins une foire aux questions à destination des citoyens désemparés. Le silence du texte n’est pas une lacune, c’est un espace de liberté.

Une liberté conditionnée, cela va de soi. À ce que l’esprit de la Constitution et du constitutionnalisme, éclairé par l’histoire constitutionnelle et les expériences étrangères, suggèrent comme conduite responsable.

Mais une liberté tout de même. Un appel à l’inventivité, au discernement et à la lucidité. Nous en avons besoin en ces temps troublés.