Est-il impossible de révoquer le président de la République, comme le dit Aurore Bergé ?
Auteur : Guillaume Baticle, journaliste, doctorant en droit public à l’Université de Poitiers
Relecteur : Bertrand-Léo Combrade, professeur de droit public à l’Université de Poitiers
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Guillaume Baticle, journaliste, doctorant en droit public à l’Université de Poitiers
Source : Compte X d'Aurore Bergé, 7 octobre 2025
Contrairement à ce que laisse entendre Aurore Bergé, la Constitution prévoit qu’Emmanuel Macron peut être démis de ses fonctions. L’article 68 prévoit bien une procédure de destitution du président de la République.
Aurore Bergé, porte-parole démissionnaire du gouvernement éclair de Sébastien Lecornu, prend la défense d’Emmanuel Macron. Alors que plusieurs voix, y compris parmi les alliés du président, réclament sa démission, la ministre affirme qu’ « il n’y a pas de mandat révocatoire dans notre pays” et que “la question de la démission du président de la République ne se pose pas ». Une affirmation juridiquement erronée.
Pas de révocation à proprement parler
La Constitution française ne prévoit effectivement pas de « mandat révocatoire ». Cette procédure, que l’on peut retrouver dans d’autres pays, comme aux États-Unis, permet aux citoyens de relever un élu ou un agent public de ses fonctions.
L’exemple étasunien, que l’on appelle « recall » — littéralement « rappel » — est une sanction politique à l’initiative populaire. Par exemple, en 2021, le gouverneur de Californie Gavin Newson a échappé de peu à une révocation, à la suite de sa gestion de la crise sanitaire.
Une procédure de destitution bien prévue par la Constitution
Si la Constitution ne prévoit effectivement pas de « mandat révocatoire », elle ouvre bien la possibilité de destituer le chef de l’État. L’article 68 prévoit que le Parlement, réuni en Haute Cour, peut le démettre de ses fonctions « en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat ».
Une procédure, aujourd’hui relancée par La France Insoumise, dont la motion de destitution a été jugée irrecevable par le Bureau de l’Assemblée nationale, ce qui y a mis fin. Si elle avait été jugée recevable, elle aurait été transmise à la commission des lois, qui aurait dû se prononcer à son tour. L’issue du vote à ce stade ne dit rien du destin de la procédure.
Vient ensuite la décision des présidents de groupes parlementaires d’inscrire ou non la motion à l’ordre du jour en séance publique. En 2024, une précédente résolution avait été bloquée à ce stade : si tous les groupes de gauche l’avaient pourtant soutenue, l’abstention de Marine Le Pen avait permis son rejet.
Et même si la procédure parvenait jusqu’à l’hémicycle, le chemin resterait semé d’embûches. La destitution doit en effet être approuvée par les deux tiers des députés, puis des sénateurs, avant un ultime vote à la même majorité des deux chambres réunies en Haute Cour.
Autant dire qu’au vu de la configuration actuelle du Parlement, une telle issue est hautement improbable. Mais elle existe — contrairement à ce que laisse entendre Aurore Bergé.