Le drapeau français est-il le seul à pouvoir être accroché à la façade d’une mairie ?
Auteur : Guillaume Baticle, journaliste, doctorant en droit public à l’Université de Poitiers
Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public à l’Université Paris-Saclay
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Guillaume Baticle, journaliste, doctorant en droit public à l’Université de Poitiers
Source : Discours de Bruno Retailleau à la fête de la Pomme, 21 septembre 2025
En Normandie, Bruno Retailleau a affirmé que seules les couleurs tricolores devraient flotter sur les mairies. Or, aucune règle stricte ne l’impose : seuls usages et neutralité du service public encadrent le pavoisement.
À la Fête de la Pomme, le 21 septembre 2025, pour la rentrée politique d’Hervé Morin en Normandie, Bruno Retailleau a livré un discours aux accents de campagne. Le ministre de l’Intérieur démissionnaire n’a pas échappé à la polémique des drapeaux palestiniens, hissés par de nombreux maires.
Le patron des Républicains avait déjà appelé les préfets à saisir la justice chaque fois qu’un édile arborerait un drapeau palestinien sur sa mairie. Quelques jours plus tard, il enfonce le clou. Selon sa « conviction », la façade d’une mairie « n’est pas un panneau d’affichage. Seul le drapeau tricolore a droit de cité ». Mais cette « conviction » est-elle conforme au droit ?
Pas de règle précise
En 1963, le ministre de l’Intérieur Roger Frey avait transmis une circulaire aux préfets à propos de maires qui commençaient à afficher des drapeaux européens sur la façade de leur mairie. Il concède que « de telles décisions ne soulèvent aucune objection de principe ».
Il précise toutefois que « le drapeau tricolore reste le seul emblème qu’il convient d’arborer sur les bâtiments publics pour la célébration des fêtes nationales ».
Près d’un demi-siècle plus tard, en 2011, Nicolas Dupont-Aignan, député de l’Essonne, dénonçait à son tour le pavoisement du drapeau européen sur les bâtiments publics. Le ministre de l’Intérieur de l’époque, Brice Hortefeux, lui avait répondu que la présence du drapeau français relevait de « l’usage et la tradition républicaine ». Mais il ajoutait que « le pavoisement des édifices publics aux couleurs de l’Europe est néanmoins possible ».
Une réponse cohérente avec la consigne donnée en 2008 par le Premier ministre François Fillon, lors de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, demandant « que les édifices publics relevant de l’État devront être pavoisés aux couleurs nationales et aux couleurs de l’Union européenne ».
En somme, il n’existe pas de règle de droit qui impose que le drapeau tricolore soit le seul sur le fronton des bâtiments publics. Cela ne repose que sur des usages et des consignes gouvernementales.
La seule obligation légale concernant l’apposition des drapeaux sur les bâtiments publics est présente dans le code de l’éducation. Son article 111-1-1 du code de l’éducation dit que « le drapeau tricolore et le drapeau européen sont apposés sur la façade des écoles et des établissements d’enseignement du second degré publics et privés sous contrat ».
Une limite : la neutralité du service public
La seule limite à l’apposition des drapeaux est fixée par le juge. Le maire ne doit pas afficher ses opinions politiques sur le fronton de son hôtel de ville. Le juge a pu condamner des communes, par exemple, pour un drapeau breton à Nantes, un gilet jaune ou encore une bannière opposée à la réforme des retraites. Mais également un drapeau palestinien.
Ces affichages sont de la seule initiative des maires et contreviennent donc au principe de neutralité du service public. Seul un élan national, appuyé par le président de la République ou le gouvernement, est autorisé.
Bruno Retailleau est pour l’instant ministre de l’Intérieur démissionnaire. Mais s’il est reconduit dans ses fonctions au sein du gouvernement de Sébastien Lecornu, libre à lui de déposer un projet de loi qui oblige à n’accrocher que le drapeau tricolore, au détriment du drapeau européen et des couleurs régionales, départementales et municipales qui pavoisent certaines mairies.