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La France est-elle contrainte par l’Union européenne d’augmenter la TVA sur les abonnements au gaz et à l’électricité ?

Création : 31 juillet 2025

Autrice : Léa Houssain, Master 2 Droit international et droit européen à Lille

Etienne Merle, journaliste

Relecteurs : Vincent Couronne, docteur en droit européen, enseignant à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Etienne Merle

Source : Compte X, le 31 juillet 2025

Le 1er août 2025, la TVA sur les abonnements au gaz et à l’électricité passera de 5,5 % à 20 %, entraînant une hausse du coût pour les usagers. Si ce changement s’inscrit dans un cadre européen qui impose l’uniformité des taux pour un même service, le gouvernement français aurait pu faire un autre choix que celui d’aligner par le haut.

Le prix de l’abonnement au gaz et à l’électricité vont augmenter à partir du 1er août 2025. En cause : la fin du taux de TVA réduit à 5,5 %, remplacé par le taux normal de 20 %. Une mesure décidée via le projet de loi de finances 2025 et mise en place pour contribuer à réduire la dette publique de l’État.

Depuis, un argument massue circule dans plusieurs médias et sur les réseaux sociaux : la France n’aurait pas eu d’autre choix que d’augmenter la TVA sur les abonnements énergétiques, en raison d’une prétendue obligation imposée par l’Union européenne.

Ainsi, Le Figaro écrit : « Pour se conformer aux normes de l’Union européenne, le gouvernement va relever de 5,5 % à 20 % la TVA sur les abonnements énergétiques ». De son côté, Ouest-France affirme : « Le prix de l’abonnement passe cette fois de 290 à 330 € par an à cause de l’augmentation de la TVA sur l’abonnement, passée de 5,5 à 20 % dans le budget 2025 à la demande de l’Union européenne ».

Mais comme Les Surligneurs l’ont déjà raconté, l’Union européenne ne contraint pas ses États membres à augmenter leur TVA, même si elle fixe un cadre commun à respecter.

Un taux normal à 20%

En matière de politique fiscale, les États membres de l’Union européenne conservent, de manière générale, une grande partie de leur compétence. Concernant la TVA en revanche, l’UE dispose d’une compétence plus étendue. Objectif affiché : assurer le bon fonctionnement du marché intérieur, ce dernier relevant de la compétence partagée de l’Union avec les États membres au sens de l’article 4 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

Pour cela, le Conseil de l’UE a mis en place en 2006 une directive afin d’éviter des taux de TVA trop discordants entre les États. Cette directive fixe un seuil minimal du taux normal de la TVA, en deçà duquel les États ne peuvent pas descendre : il est fixé à 15 %.

En revanche, l’Union européenne ne fixe aucun plafond pour le taux normal de TVA. Chaque État membre est libre de le fixer au-dessus du seuil minimal de 15 %. Par exemple, la Hongrie a opté pour un taux à 27 %, tandis qu’en France, le taux normal est de 20 %. C’est ce taux qui s’applique par défaut à la plupart des biens et services, y compris à la consommation de gaz et d’électricité.

Un taux réduit à 5,5%

Mais les États peuvent aussi décider d’appliquer des taux réduits à certains produits ou services jugés essentiels ou d’intérêt général. En France, des secteurs comme l’alimentation, les protections hygiéniques, le logement social, ou encore les équipements pour personnes en situation de handicap bénéficient de taux réduits. Jusqu’ici, c’était aussi le cas des abonnements au gaz et à l’électricité, qui étaient taxés à 5,5 %, un taux inférieur au taux normal.

Comme pour le taux normal, l’UE fixe un seuil minimum à ces taux réduits : 5 %. Mais là encore, elle ne fixe pas de seuil maximal. Ce dernier est laissé à la discrétion des États. En théorie, rien n’oblige donc la France à augmenter son taux de TVA sur les abonnements de gaz et d’électricité.

Ainsi, avant le 1er août, la TVA sur l’abonnement — qui s’applique à la part fixe de la facture, liée à l’accès au réseau — était de 5,5 %, tandis que celle sur la consommation — correspondant à la part variable, calculée en fonction de l’énergie utilisée — était de 20 %. Une différence de traitement qui n’est pas conforme au droit européen.

Vers le haut ou vers le bas ? 

En effet, il existe une jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, en date du 18 janvier 2018, qui impose une cohérence : les éléments indissociables d’un même service doivent être soumis au même taux de TVA. Autrement dit, on ne peut pas appliquer un taux différent à l’abonnement et à la consommation d’un même bien, comme l’électricité ou le gaz.

Est-ce pour autant une injonction à remonter le taux de TVA ? Pas forcément. Le gouvernement aurait aussi pu faire le choix inverse, en baissant le taux appliqué à la consommation pour l’aligner sur celui de l’abonnement à 5,5 %. Il a préféré harmoniser… par le haut. Une décision politique, pas une obligation juridique.