Peut-on organiser un référendum sur la loi Duplomb, comme le demande Olivier Faure ?
Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public à l’Université de Poitiers
Relecteur : Bertrand-Léo Combrade, professeur de droit public à l’Université de Poitiers
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Fanny Velay, étudiante en journalisme à l’École W
Source : Compte X d’Olivier Faure, 22 juillet 2025
Alors qu’Olivier Faure réclame un référendum pour abroger la loi Duplomb, en soutien à une pétition massive, cette perspective bute sur plusieurs obstacles politiques et constitutionnels.
Dans l’élan d’une opposition croissante à la loi Duplomb, et d’une pétition qui a atteint les deux millions de signatures, Olivier Faure, Premier secrétaire du Parti socialiste, a appelé le président de la République à organiser un référendum pour que les Français s’expriment directement sur l’avenir de cette loi, y compris pour l’abroger.
Mais avant d’espérer un tel scénario, il convient de rappeler une chose essentielle : un référendum ne pourra pas, à lui seul, empêcher la loi Duplomb d’entrer en vigueur.
Pourquoi ? Parce qu’une fois qu’une loi a été adoptée par le Parlement, le processus est verrouillé jusqu’à l’intervention du président de la République. Ce dernier a alors deux options prévues par la Constitution : promulguer la loi ou demander une nouvelle délibération au Parlement. Mais il ne peut plus, à ce stade, soumettre la loi déjà votée à un référendum.
Dans les prochains mois, la donne pourrait changer. À condition de sauter d’importants obstacles politiques et constitutionnels.
Deux types de référendum possibles… et deux voies étroites
La Constitution française prévoit deux mécanismes de référendum. Chacun présente des conditions strictes — et aucun ne permet une abrogation immédiate de la loi Duplomb.
D’un côté, le référendum « classique », décrit au premier alinéa de l’article 11 de la Constitution. Le président de la République peut soumettre un projet de loi à référendum sur « des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation ».
À première vue, la loi Duplomb pourrait entrer dans ce champ. Mais ce référendum ne peut être organisé qu’« à l’initiative du Gouvernement ou des deux assemblées » du Parlement.
Sur le papier, le droit permet donc la tenue d’un référendum. L’obstacle est avant tout politique. Le Premier ministre François Bayrou soutient la loi, et le Parlement l’a largement adoptée, notamment au Sénat. Il est donc peu probable que le gouvernement ou les deux chambres se retournent contre un texte qu’ils ont eux-mêmes porté.
De l’autre côté, le référendum d’initiative partagée (RIP) est lui prévu au troisième alinéa de l’article 11 et peut être « organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement [185 parlementaires, ndlr], soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales [4,9 millions d’électeurs, ndlr] ».
Si l’atteinte du seuil de parlementaires semble réalisable, la mobilisation de près de cinq millions de citoyens serait autrement plus complexe. À titre de comparaison, la pétition actuelle, qui bat déjà tous les records, n’a pas encore atteint la moitié de ce seuil.
Mais surtout, et c’est un point important : le RIP « ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an ». En clair, même si le seuil des signatures était atteint, il faudrait attendre l’été 2026 pour qu’un référendum d’abrogation de la loi Duplomb soit envisageable.
Une loi en passe d’être promulguée
À ce stade, le Conseil constitutionnel est encore saisi et examine la conformité de la loi Duplomb à la Constitution. Mais si cette validation est confirmée, le président de la République n’aura pas d’autre choix que de promulguer la loi, conformément à l’article 10 de la Constitution.
En revanche, il pourrait aussi redemander une délibération à l’Assemblée nationale, comme nous l’avons déjà expliqué.
Autrement dit, même en cas de mobilisation populaire ou politique, la loi sera promulguée et entrera en vigueur. Le référendum, s’il devait avoir lieu, ne pourrait intervenir qu’après cette promulgation.
Ceci dit, Emmanuel Macron peut promulguer, mais demander au gouvernement de ne pas appliquer la loi, en attendant qu’elle soit modifiée. C’est ce qu’avait demandé en 2006 le président Jacques Chirac à son Premier ministre Dominique de Villepin au sujet de la loi très controversée sur le contrat première embauche (CPE).