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Crédit : Richard Huber CC-BY-SA-3.0

Non, la « vitamine B17 » ne guérit pas du cancer et peut même être toxique

Création : 26 mai 2025

Autrice : Léocadie Petillot, juriste et journaliste en formation au CFJ

Relectrice : Maylis Ygrand, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Clarisse Le Naour, Double cursus L3 science politique et L3 droit public à l’université Lumière Lyon II

 

Source : Compte Facebook, le 19 avril 2025

Aucune étude scientifique n’a jamais attesté de l’efficacité de l’amygdaline ou « vitamine B17 » dans la prévention ou la lutte contre le cancer. Et, transformée en cyanure par la digestion, une ingestion en grande quantité peut conduire à l’intoxication.

 

 

 

« La vitamine B17 : le plus grand camouflage de l’histoire du cancer » ? À en croire certains internautes (comme ici ou ), les noyaux d’abricot, qui contiendraient cette vitamine, seraient « très connus pour vaincre toutes formes de cancer » mais leurs supposés effets miracles seraient prétendument dissimulés. Quant aux alertes sur le risque d’intoxication, elles relèveraient du « simple mythe ».

En réalité, aucun essai clinique ou aucune étude scientifique n’ont jamais prouvé son efficacité et une consommation excessive peut même être dangereuse.

Aucun essai clinique probant

La vitamine B17, c’est l’autre nom de l’amygdaline, est « un composé naturel appartenant au groupe des glycosides cyanogènes. Elle est présente dans certaines plantes ou noyaux [ abricots, pêches, amandes amères, ndlr] », comme l’explique la Fondation contre le cancer sur son site internet.

Ses prétendues vertus préventives et curatives contre le cancer sont notamment vantées dans le livre Un monde sans cancer, histoire de la vitamine B17, publié en 1974, de G. Edward Griffin qui n’est ni médecin ni scientifique. L’ouvrage reprend les théories du docteur Ernst T. Krebs, et son fils, qui aurait expérimenté l’administration de l’amygdaline dans le traitement de patients atteints de cancers à un stade avancé avec des « résultats substantiels » dès 1920.

Depuis, des essais in vitro récents,— soit des essais sur des cellules cancéreuses en culture —, ont pu donner de bons résultats. Pour autant, il ne faut pas en conclure à l’efficacité objective de l’amygdaline pour guérir d’un cancer. En effet, comme Les Surligneurs ont déjà pu l’expliquer dans un autre article, après avoir été testées in vitro, les molécules doivent ensuite être testées in vivo, soit sur des animaux, puis des êtres humains.

Mais, comme Jérôme Kluza, professeur de biologie cellulaire et chercheur à ONCOLille avait pu le souligner aux Surligneurs : « des molécules qui sont capables de tuer in vitro des cellules cancéreuses, on en a plein ». Pour ce qui est de les tuer in vivo, c’est en revanche une autre histoire.

En effet, « si vous mettez de l’eau, du sel ou même du sucre sur des cellules tumorales [in vitro] elles vont mourir ! », illustre Mélanie Bruchard, docteure en immunologie spécialiste du cancer. « En revanche, c’est bien plus difficile de cibler uniquement ces cellules dans un organisme vivant, qui va métaboliser la molécule qui aura aussi un effet sur les cellules saines et celles du système immunitaire qui luttent aussi contre les cellules cancéreuses », explicite-t-elle.

Or, « dans toutes les études cliniques (1,2,3) [sur des groupes de patients, ndlr] qui ont été faites, aucun effet significatif n’a été relevé », affirme aux Surligneurs Mélanie Bruchard. La conclusion est donc sans appel : il n’y a actuellement aucune preuve tangible qui démontre l’efficacité de la vitamine B17 pour guérir du cancer.

Un risque d’empoisonnement

Si elle n’a pas d’effet notable pour lutter contre le cancer, l’administration d’amygdaline peut en revanche s’avérer dangereuse puisqu’elle « se convertit en cyanure hautement toxique lors de la digestion », alerte l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) sur son site internet.

Ingérée par voie orale et en grande quantité, « l‘amygdaline va être absorbée par l’intestin, transformée en cyanure sans atteindre les tumeurs ailleurs dans le corps. Il y a donc un risque de toxicité pour le patient et aucun effet bénéfique », corrobore Mélanie Bruchard.

Et malgré ce risque connu et documenté, l’amygdaline continue d’être vendue sur internet, notamment sous la forme d’amandes d’abricot. « Des sites encouragent leur consommation en grande quantité, pouvant aller de 10 amandes par jour en prévention à 60 amandes pour les personnes atteintes d’un cancer », déplorait déjà l’Anses en 2018 dans un article de Sciences et Avenir. Et ce alors que « les quantités d’amandes à ne pas dépasser par jour établies par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) » sont d’ « environ 1 à 3 amandes pour les adultes et la moitié d’une petite amande pour les jeunes enfants », rappelle l’Anses.