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Donald Trump et Vladimir Poutine, le 16 juillet 2018. Crédit : PDM 1.0

« Ce sera juste moi et Poutine » : non, Donald Trump n’a pas prononcé cette phrase sur CNN

Création : 21 février 2025
Dernière modification : 28 février 2025

Autrice :  Maylis Ygrand, journaliste

Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Clara Robert-Motta, journaliste

Source : Publication Facebook, le 17 février 2025

Selon certains internautes, Donald Trump aurait, au cours d’une interview sur CNN, évincé les Européens d’éventuelles négociations quant à un accord de paix entre l’Ukraine et la Russie. Cette interview n’a, en réalité, jamais eu lieu.

« Ce sera juste moi et Poutine », voici ce qu’aurait dit Donald Trump, rapportent de nombreuses publications sur les réseaux sociaux. Comme le racontait Le Monde, le 13 février dernier, Donald Trump appréhende la guerre en Ukraine comme « un dossier bilatéral avec Moscou ». Donc, rien de bien étonnant alors à voir germer sur les réseaux sociaux cette phrase choc tirée, selon les internautes, d’une interview du président états-unien sur CNN, le 16 février dernier.

« Nous n’inviterons pas de représentants européens. Il n’y aura pas de guerre pour moi et si l’Europe a un problème avec cela, alors laissons la Russie la vaincre toute seule sans la participation américaine. Pourquoi je ne veux pas que I’UE soit là ? Parce que leurs représentants doivent faire la guerre, ils ont besoin d’un conflit à long terme pour dissimuler leur incompétence, leurs lobbies et leur argent volé. […] Je négocierai la paix, qui est évidemment un mot très censuré dans I’UE », aurait poursuivi le locataire de la Maison-Blanche. 

En plus de relayer ces propos, de nombreux internautes les félicitent : « Excellent, du grand Trump », applaudit un. « C’est bien dit », en rajoute une autre.

Pourtant, hormis ces retranscriptions relayées sur les réseaux sociaux, aucune trace de l’interview n’apparaît sur la toile. Et pour cause : elle n’a jamais existé. Fabriquée de toutes pièces et alimentée par un contexte propice à sa diffusion, cette infox a été dopée par des internautes relayant la propagande russe. 

CNN dément avoir mené cette interview

Où sont donc les sources ? On aurait pu trouver des liens hypertextes, par exemple. Car, qui dit liens hypertextes dit, en théorie, sources. Et c’est justement ce manque de source qui interpelle sur les publications relayant ladite interview. En effet, bien que les internautes citent CNN, aucune image, vidéo, lien n’accompagnent les retranscriptions. 

Or, que ce soit sur le site de CNN, dans la transcription de leurs émissions ou encore plus largement sur la toile, impossible de la retrouver. Dur à croire au temps des réseaux sociaux. Cette interview semble avoir été montée de toutes pièces. 

Pour en avoir le cœur net, Les Surligneurs ont donc contacté le média en question : CNN. Leur réponse est sans appel : « Nous n’avons mené aucune interview avec Donald Trump. Notre site CNN.com ne reprend pas non plus la citation alléguée de Trump ci-dessous. »

L’interview retranscrite sur les réseaux sociaux est factice, comme l’ont également déduit nos confrères des Observateurs de France24

Bonnet blanc ou blanc bonnet ? 

Mais la viralité de cette infox n’est pas un hasard. Repartagé par des comptes pro-russes aux nombreux abonnés, comme @peacemaket71 et ses près de 40 000 followers, la fake news a bénéficié d’une importante visibilité.

De plus, certaines idées émises dans la fausse interview de Donald Trump font étrangement écho à la réalité. En effet, la Maison-Blanche souffle le chaud et le froid avec l’Europe.

Pas plus tard que le samedi 15 février, le général Keith Kellogg, envoyé spécial du président Donald Trump sur l’Ukraine, a déclaré que les Européens n’étaient pas prévus à la table de potentielles négociations concernant la fin de la guerre en Ukraine. 

Les Européens étaient absents des pourparlers à Riyad entre de hauts responsables états-uniens et russes, ce mardi 18 février. Mais le secrétaire d’État américain, Marco Rubio, a assuré que « l’Union européenne devra être à la table à un moment donné parce qu’ils ont aussi des sanctions [contre la Russie, ndlr] ».

Difficile donc de déterminer si les États-Unis feront une place aux Européens lors d’éventuelles négociations sur la fin de la guerre en Ukraine. D’autant plus, quand certaines infox, comme celle-ci, circulent.