Non, 90% des caméras de la zone à faible émission de Londres n’ont pas été détruites par des opposants
Auteur : Nicolas Kirilowits, journaliste
Relecteur : Etienne Merle, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun.
Secrétariat de rédaction : Fanny Velay, journaliste stagiaire
Source : Compte Facebook, le 10 février 2025
Si la zone à faibles émissions de Londres fait bien l’objet de vives critiques et d’actions hostiles, il est faux d’affirmer, au regard des données disponibles, que 90 % des caméras permettant son fonctionnement ont été vandalisées ou détruites.
À l’instar des débats qu’elle peut susciter en région parisienne, et dont Les Surligneurs ont déjà parlé ici et là, la zone à faibles émissions de Londres est exposée, elle aussi, à une certaine hostilité populaire.
Ainsi, sur Internet, les vidéos et les articles se multiplient pour relater une action de citoyens opposés aux contrôles des caméras de la « ultra-low emission zone (ULEZ) ».
Sur Facebook certains postes affirment même que « Les Blade Runners britanniques ont détruit 90 % des caméras de surveillance de l’ULEZ ». Au-delà du titre dont sont affublés ces citoyens pourfendeurs de la mesure visant à améliorer la qualité de l’air, c’est le chiffre avancé ici qui surprend. D’où sort-il ? Difficile à dire en réalité.
Une information imprécise et datée
Des médias britanniques comme The Times et le Daily Mail mentionnent bien un taux de vandalisme élevé, mais uniquement dans certaines zones du sud-est de Londres. Il est donc impossible d’en déduire que cette proportion concerne l’ensemble des 3 700 caméras déployées sur tout le territoire concerné, comme le confirment les chiffres fournis par Transport for London (TfL) aux Surligneurs.
Par ailleurs, si certaines publications relayant ce chiffre sont récentes, les articles de presse en question datent de fin août 2023, soit juste après l’extension de l’ULEZ. Un indicateur d’autant plus obsolète qu’un article du Telegraph, publié deux jours après cet élargissement, faisait état d’un taux bien différent : « Une nouvelle caméra ULEZ sur quatre a déjà été vandalisée », titrait le journal britannique.
Par ailleurs, la presse anglo-saxonne affirme tenir ses informations de données publiées en ligne par des opposants au système ULEZ. Un groupe Facebook est notamment mentionné : « ULEZ Camera Locations ».
Ce dernier renvoie vers une carte qui indique… que la majorité des caméras restent fonctionnelles. Contacté par mail par Les Surligneurs, le « groupe de volontaires » n’a pas répondu à nos sollicitations.
De fait, si ces données produites par des anti-ULEZ n’ont pas de caractères officiels et qu’elles ne semblent pas être mises à jour continuellement, elles contredisent le taux de 90 % de caméras hors service.
De son côté, le Transport londonien (TFL) précise aux Surligneurs « ne pas divulguer les détails du vandalisme des caméras afin d’éviter de donner plus de publicité à ceux qui se livrent à des actes criminels dangereux ».
La police londonienne répertoriait, quant à elle, 2 088 infractions contre des caméras de contrôle ULEZ entre le 1ᵉʳ janvier 2023 et le 30 juin 2024, avec une forte accélération des actes de vandalisme au moment de l’extension de la zone à faibles émissions fin août 2023, avant un net ralentissement à partir du printemps dernier.
80% d’amendes impayées
Autre chiffre controversé : 50 000 personnes refuseraient de payer leur amende journalière de 12,5 livres sterling (environ 15 €) pour non-respect des normes de pollution. Une affirmation diffusée sur les réseaux sociaux, mais invérifiables. « C’est un chiffre que nous ne reconnaissons pas », balaie TfL auprès des Surligneurs.
En février 2024, TfL indiquait que 45 000 véhicules en moyenne étaient en infraction chaque jour, tandis que plus de 1,5 million de véhicules circulaient en conformité avec les règles, soit 97 % du parc automobile londonien.
En septembre 2024, la commission budgétaire de la mairie de Londres estimait à 376 millions de livres sterling (453 millions d’euros) le montant des amendes ULEZ impayées. Selon TfL, sur 1 150 000 amendes émises, seulement 243 000 avaient été totalement payées, soit un taux de recouvrement d’environ 20 %, pour la période d’août 2023 à mars 2024.
En conclusion, les chiffres avancés sur les réseaux sociaux, qu’il s’agisse du vandalisme des caméras ou des amendes impayées, sont imprécis et exagérés. Les données officielles disponibles démentent l’idée d’un effondrement du système ULEZ.