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Bob White, CC BY 2.0

Non, le code de la sécurité intérieure n’est pas illégal

Création : 2 décembre 2025

Auteur : Guillaume Baticle, journaliste, doctorant en droit public à l’Université de Poitiers

Relecteur : Bertrand-Léo Combrade, professeur de droit public à l’Université de Poitiers

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Guillaume Baticle, journaliste, doctorant en droit public à l’Université de Poitiers

Source : Publication Facebook, 29 novembre 2025

Une publication affirme que le code de la sécurité intérieure n’aurait aucune valeur juridique, l’ordonnance qui l’a créé n’étant selon elle pas valable. Mais l’examen du droit montre qu’il s’appuie bien sur une habilitation régulière et qu’il possède pleinement force de loi.

Sur une page habituée à la désinformation juridique, une publication s’attaque au code de la sécurité intérieure. Selon son auteur, ce code, qui prévoit comment s’organisent les forces de l’ordre et de renseignement pour garantir la sécurité de l’État et de la population, n’a aucune valeur juridique car l’ordonnance qui en est à l’origine n’a elle-même pas de base légale.

Mais qu’en est-il réellement ?

Le Gouvernement habilité à légiférer

En temps normal, seul le Parlement peut créer des lois. Mais il arrive que les parlementaires autorisent le Gouvernement à intervenir dans les domaines législatifs. C’est que prévoit l’article 38 de la Constitution. Selon ces dispositions, le Parlement peut adopter une loi d’habilitation, à partir de laquelle le Gouvernement peut créer des règles législatives par simples ordonnances.

Passé un certain délai prévu par la loi d’habilitation, le Parlement doit adopter une nouvelle loi, cette fois pour ratifier les ordonnances du Gouvernement, et ainsi leur donner une véritable valeur législative. Et c’est précisément sur ce point que l’internaute attaque le code de la sécurité intérieure.

Les articles 102 et 103 de la loi du 14 mars 2011 autorisent bien le Gouvernement à adopter des lois pour codifier la partie législative de ce qui deviendra le code de sécurité intérieure. Le Gouvernement est aussi autorisé à modifier ou abroger des lois si nécessaire, « pour assurer le respect de la hiérarchie des normes, la cohérence rédactionnelle des textes ainsi rassemblés, harmoniser l’état du droit, remédier aux éventuelles erreurs et abroger les dispositions […] devenues sans objet ».

Selon la loi, le Gouvernement doit aussi, toujours par une ordonnance ayant une valeur législative, se conformer à une décision cadre du Conseil de l’Union européenne « relative à la simplification de l’échange d’informations et de renseignements entre les services répressifs des États membres ».

L’ordonnance du 12 mars 2012 crée ainsi le code de sécurité intérieure. Elle abroge des articles, non pas pour les faire disparaitre, mais pour les déplacer dans ce nouveau code. Elle en modifie et en crée pour remplir la mission que lui a confié la loi d’habilitation de 2011.

Cette ordonnance doit ensuite être ratifiée par un projet de loi déposé dans les trois mois. Si un projet a bien été déposé dans le temps imparti, il n’a jamais été adopté. C’est une loi de 2014, renforçant la lutte contre le terrorisme, qui se chargera de ratifier l’ordonnance.

Une ordonnance à ratifier… mais pas obligatoirement

L’ordonnance à l’origine du code de la sécurité intérieure est-elle pour autant dépourvue de toute base juridique ?

Dans une décision du 28 mai 2020, le Conseil constitutionnel a posé un principe innovant. Il admet désormais que les ordonnances prises sur le fondement de l’article 38 de la Constitution puissent produire des effets législatifs sans avoir été ratifiées. Il faut tout de même pour cela que certaines conditions soient réunies, notamment qu’un projet de loi de ratification ait au moins été déposé dans les délais.

Une fois expiré le délai d’habilitation fixé par la loi, les dispositions de l’ordonnance acquièrent en effet valeur législative, même en l’absence de ratification formelle.

L’ordonnance de 2012, et le code de la sécurité intérieure sont donc bien juridiquement valides, même si la ratification, qui a en l’occurrence bien eu lieu, a été tardive.

 

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