Non, Aurore Bergé n’a jamais prétendu dialoguer avec les morts pour défendre Emmanuel Macron
Auteur : Etienne Merle, journaliste
Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Etienne Merle, journaliste
Source : Compte Facebook, le 13 novembre 2025
Quatre ans après avoir été inventée par un compte satirique, une fausse déclaration d’Aurore Bergé sur des conversations avec l’au-delà fait son grand retour sur Facebook. Preuve que sur Internet, même les canulars peuvent ressusciter.
Faut-il désormais compter les morts parmi les soutiens indéfectibles du président de la République ? C’est en tout cas ce que semblent croire plusieurs internautes qui partagent avec indignation, depuis quelques jours, une déclaration pour le moins surnaturelle attribuée à l’actuelle ministre de l’Égalité entre les Femmes et les Hommes, Aurore Bergé.
« Je discute régulièrement avec des personnes décédées et je peux vous confirmer qu’elles continuent de soutenir le chef de l’État », aurait-elle confié lors d’un entretien. Une révélation qui, si elle était vraie, bouleverserait à la fois nos connaissances en physique quantique et les modalités du sondage d’opinion.
Sauf que voilà : cette citation n’a jamais franchi les lèvres d’Aurore Bergé. Elle provient en réalité d’un post publié en mars 2021 par un compte X parodique qui s’amuse régulièrement à inventer des déclarations absurdes de responsables politiques.
Autant dire que le degré de fiabilité de cette source se situe quelque part entre un horoscope de supermarché et une prévision météo à quinze jours. Pourtant, quatre années après sa publication originale, cette information zombie refait surface sur Facebook, où elle suscite des réactions aussi vives qu’authentiques.
« Ils sont vraiment atteints, c’est pas possible », s’insurge ainsi un internaute manifestement convaincu d’avoir démasqué une dérive sectaire au sommet de l’État. Un autre renchérit avec une formule dont l’ironie involontaire mérite d’être soulignée : « Plus dingue que ça, tu meurs ! »
La blague, sortie de sa tombe numérique après quatre ans de repos bien mérité, trouve ainsi un second souffle dans les méandres algorithmiques des réseaux sociaux, démontrant au passage que la frontière entre satire et réalité peut devenir aussi floue qu’une séance de spiritisme à la bougie.
Anatomie d’une résurrection numérique
L’histoire commence donc en mars 2021, lorsque Le Journal de l’Élysée Parodie publie sur X (anciennement Twitter) cette fausse déclaration d’Aurore Bergé, alors présidente déléguée du groupe LREM à l’Assemblée nationale. Le compte, qui cultive l’art du pastiche politique avec une constance admirable, ne cache d’ailleurs nullement ses intentions : la mention « très parodique » figure en toutes lettres dans sa description. On pourrait difficilement faire plus explicite, à moins d’ajouter un panneau clignotant « Attention : second degré » à chaque publication.
Pendant près de quatre années, cette plaisanterie semble avoir vécu sa vie tranquille dans les archives de la plateforme, sans doute visitée occasionnellement par quelques nostalgiques de l’humour politique de l’ère Covid.
Mais voici que depuis quelques jours, des captures d’écran de ce post se multiplient sur Facebook, sans mention de son origine parodique et accompagnées de commentaires oscillant entre l’effarement sincère et l’indignation vertueuse. Comment expliquer cette exhumation tardive ? Les mystères de l’algorithme restent, comme toujours, impénétrables, mais force est de constater que le post défunt a quitté son caveau pour une tournée d’adieu non programmée.
Fact-checking post-mortem
Le phénomène n’est évidemment pas nouveau. Les comptes parodiques sont régulièrement confrontés à ce paradoxe : plus leur humour est réussi, plus il risque d’être pris au premier degré par ceux qui n’ont pas les clés du second. Les Surligneurs ont eu l’occasion de le rappeler à plusieurs reprises : ici, ici, ici, ou encore là, et (l’au-de) là.
Dans le cas présent, la déclaration inventée jouait précisément sur l’exagération pour tourner en dérision un soutien politique jugé excessif. Mais une fois détachée de son cadre satirique et vieillie de quatre ans, elle perd sa dimension comique pour devenir, aux yeux de certains, un aveu hallucinant de déconnexion avec la réalité.
Pour ceux qui en douteraient encore, rappelons donc les faits avec la solennité qu’ils méritent : non, Aurore Bergé n’a jamais prétendu communiquer avec les défunts. Non, elle n’a jamais accordé d’interview dans laquelle elle expliquerait que les morts soutiennent Emmanuel Macron, ce qui aurait d’ailleurs posé quelques questions méthodologiques intéressantes sur la manière de mesurer l’opinion des disparus.
Et non, cette citation n’a jamais figuré ailleurs que sur un compte parodique qui annonce la couleur dès sa description. Cette affaire peut donc retrouver le repos éternel qu’elle mérite. Requiescat in pace.
