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Image d'illustration. Image d'utilisation, CC0.

L’UE veut-elle vraiment permettre aux enfants de changer de genre à tout âge et sanctionner les États réfractaires ?

Création : 21 novembre 2025
Dernière modification : 20 novembre 2025

Auteur : Etienne Merle, journaliste

Relectrices : Sarah Auclair, doctorante en droit public à l’Université Paris Est Créteil

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Etienne Merle, journaliste

Source : Compte Facebook, le 14 octobre 2025

S’appuyant sur un article de presse trompeur, des internautes affirment que Bruxelles aurait décidé de permettre aux enfants de changer de genre « à tout âge » et de « sanctionner » les États qui s’y opposeraient. Une lecture déformée de la nouvelle stratégie européenne pour l’égalité LGBTQI+ 2026-2030, qui n’a aucune portée contraignante.

Depuis la publication de la stratégie européenne pour l’égalité LGBTQI+ 2026-2030 en octobre 2025, des internautes s’inquiètent : l’Union européenne voudrait « permettre aux enfants de changer de genre à tout âge et sanctionner tout État qui s’y oppose ».

Cette affirmation, relayée notamment sur Facebook, s’appuie sur un article d’Atlantico affirmant que Bruxelles prévoirait un mécanisme coercitif destiné aux pays refusant l’autodétermination de genre des mineurs.

L’examen des documents européens montre pourtant que cette interprétation est infondée : la stratégie ne crée aucun nouveau droit, n’impose aucune règle aux États membres et ne prévoit aucune sanction.

Mauvaise interprétation

La phrase à l’origine de la confusion se trouve bien dans la stratégie publiée par la Commission européenne en octobre 2025. Le document affirme vouloir « faciliter les échanges de bonnes pratiques entre les États membres afin de soutenir l’élaboration de procédures juridiques de reconnaissance du genre fondées sur l’autodétermination et exemptes de restrictions d’âge. » (Page 17)

Cette formulation existe, mais elle ne constitue ni une obligation juridique ni un droit opposable. La stratégie est un instrument politique dépourvu de portée normative, puisqu’elle ne figure pas à l’article 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui énumère les actes juridiques pouvant produire des effets obligatoires. Une « stratégie » n’en fait pas partie. Elle relève de ce que les juristes appellent le droit souple, ces instruments non contraignants qui visent à coordonner et à orienter.

Ce plan sert donc uniquement à fixer des orientations politiques, annoncer des priorités, proposer des pistes d’action ou coordonner les États membres, contrairement à une directive ou un règlement qui, eux, à l’inverse, créent des obligations juridiques pour les États membres et peuvent modifier leur droit interne.

Pas de compétence

Cette absence d’effet contraignant n’est pas un détail technique : l’Union européenne n’a pas compétence pour légiférer en matière d’état civil, qui comprend la mention du sexe, le changement de prénom ou la reconnaissance légale du genre. Ces matières relèvent du droit interne de chaque État, comme le rappellent régulièrement la Cour de justice et la Commission lorsqu’elles évoquent la compétence exclusive des États en matière de statut personnel.

La Commission l’a d’ailleurs rappelé explicitement chez nos confrères allemands de Dpa : « La Commission respecte pleinement les compétences des États membres, notamment leur compétence exclusive en matière d’âge légal pour la reconnaissance juridique du genre », a confirmé un porte-parole de la Commission européenne. »Toute suggestion selon laquelle la Commission imposerait de telles mesures aux États membres est tout simplement fausse ».

Si l’UE ne dispose pas du pouvoir d’imposer une procédure uniforme de changement de genre, elle ne peut pas davantage sanctionner un État qui n’adopterait pas un modèle d’autodétermination sans limite d’âge. La stratégie LGBTQI+ 2026-2030 ne contient aucune disposition punitive, aucun mécanisme financier, aucune référence à une quelconque conditionnalité budgétaire.

L’un des mécanismes de sanction de l’Union prévu à l’article 7 du Traité sur l’Union européenne ne peut être déclenché qu’en cas d’atteinte grave et persistante aux valeurs de l’Union, énumérées à l’article 2. Il ne s’agit pas d’un instrument permettant d’imposer à un État membre une réforme que Bruxelles souhaiterait voir adopter.

Or, la reconnaissance juridique du genre, en particulier pour les mineurs, relève du statut personnel, un domaine dans lequel l’Union européenne ne dispose d’aucune compétence d’harmonisation.

Aucun texte européen n’oblige aujourd’hui les États membres à mettre en place une procédure de changement de genre pour les mineurs, et l’absence d’une telle procédure ne constitue pas, en soi, une violation des valeurs visées à l’article 7.

Les autres mécanismes de sanction de l’Union — ceux fondés sur la violation du droit de l’Union, prévus aux articles 258 à 260 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne — ne peuvent pas davantage être mobilisés, puisqu’aucune norme européenne n’impose la reconnaissance juridique du genre.

En résumé, la stratégie 2026-2030 contient bien une orientation politique en faveur de l’autodétermination de genre, y compris sans limite d’âge, mais elle n’a aucune force obligatoire.

 

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