Israël-Hamas : selon Manuel Valls, la Cour pénale internationale a commis une « violation flagrante du principe de subsidiarité »
Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public à l’université de Poitiers
Relecteurs : Maria Castillo, maître de conférences en droit public à Caen
Vincent Couronne, docteur en droit européen, enseignant à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste
Source : Manuel Valls sur LCI, le 21 novembre 2024
Contrairement à ce qu’affirme l’ancien Premier ministre français, la CPI applique son principe de complémentarité, et n’agit que parce que l’Autorité palestinienne et l’État hébreu ne démontrent pas la volonté d’engager des poursuites eux-mêmes.
Interrogé par le journaliste Darius Rochebin sur le mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI) à l’encontre notamment du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, Manuel Valls s’est indigné en affirmant que, sur le plan juridique, la CPI avait commis une « violation flagrante du principe de subsidiarité » en poursuivant le dirigeant israélien à la place de la justice de son pays. Regardons de plus près.
L’article 17 du Statut de Rome prévoit que la CPI dispose d’une compétence complémentaire pour enquêter sur les crimes internationaux (préambule et article 1 du Statut de Rome).
Une compétence complémentaire et non subsidiaire
Contrairement à la compétence dite subsidiaire, notamment choisie par la Cour européenne des droits de l’Homme et qui ne peut être exercée qu’en second lieu, la compétence de la CPI peut être exercée dès lors que l’État concerné n’en a pas la capacité ou la volonté.
En effet, conformément au principe de complémentarité, les juridictions nationales disposent, certes, d’une compétence prioritaire pour juger les crimes internationaux visés par le Statut de Rome. Mais, cette priorité est conditionnée au constat par la Cour de la volonté, ainsi que de la capacité des instances nationales de procéder effectivement à ces jugements.
Donc si la Cour juge que les crimes qui ont été commis risquent de rester impunis, faute pour les États d’avoir pris les mesures pour les juger, elle imposera sa compétence aux États.
Une absence de poursuites de l’Autorité palestinienne et de l’État hébreu
En l’occurrence, aucune procédure en Israël ne vise Benyamin Netanyahou, son ancien ministre de la défense, Yoav Gallant, ou encore Mohammed Deif, chef de la branche armée du Hamas, pour crime de guerre et crime contre l’humanité.
Tout comme l’Autorité palestinienne, l’État hébreu n’a montré aucune volonté de juger les dirigeants visés par la CPI. Rien ne dit non plus que, dans le contexte actuel, les standards internationaux d’impartialité, de neutralité et d’indépendance de la justice soient réunis pour que des procès sur ces sujets puissent se tenir dans ces deux territoires.
En outre, l’État d’Israël est toujours libre de poursuivre son Premier ministre pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Au moment de la demande d’émission des mandats d’arrêt en mai dernier, le procureur de la CPI, Karim Khan, a précisé qu’en vertu du principe de complémentarité, la CPI cessera sa procédure si l’Autorité palestinienne et l’État hébreu entament « des procédures judiciaires indépendantes et impartiales ».
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