Kamala Harris n’a-t-elle gagné que dans les États où la carte d’identité n’était pas demandée ?
Dernière modification : 15 novembre 2024
Autrice : Jeanne Boyer, étudiante en journalisme à l’école W
Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste
Source : Compte Facebook, le 7 novembre 2024
Lors de l’élection présidentielle, Kamala Harris aurait remporté les États où la carte d’identité n’est pas obligatoire pour voter. Sous-entendu : des personnes ne possédant pas la citoyenneté américaine auraient voté dans ces États. Sauf que la candidate démocrate a aussi remporté des États exigeant une pièce d’identité pour voter, et il semble très peu probable qu’il y ait eu une quelconque fraude durant l’élection.
Même après qu’elle ait perdu l’élection présidentielle, Kamala Harris reste la cible des supporters de Donald Trump… Sur les réseaux sociaux, des pro-républicains accusent Kamala Harris de n’avoir remporté que des États où la pièce d’identité n’est pas obligatoire pour voter.
“Kamala Harris a remporté tous les États qui n’exigent pas de carte d’identité des électeurs. Coïncidence. Dans ces états, vous pouvez trafiquer les élections en faisant voter des clandestins”, entend dénoncer un compte X. C’est on ne peut plus clair, la candidate démocrate perdante est, encore une fois, accusée de triche.
Pour appuyer leurs propos, les internautes se basent sur deux cartes : l’une montrant les États où la carte d’identité n’est pas obligatoire pour voter et l’autre montrant les États remportés par le parti démocrate lors des élections présidentielles du 5 novembre 2024. La comparaison des deux cartes laisse apparaître des similarités.
Kamala Harris a-t-elle vraiment gagné dans les États où la carte d’identité n’est pas demandée ? Et cela signifie-t-il une fraude massive avec des votes de personnes “clandestines” comme l’affirment ses opposants ? Les Surligneurs font le point.
Une équivalence imparfaite
Aux États-Unis, chaque État définit les règles selon lesquelles les électeurs peuvent voter. En tout, quatorze États ont fait le choix de ne pas demander de pièce d’identité pour voter.
Il est vrai qu’on observe une relative corrélation entre les États remportés par Kamala Harris et ces États. Mais, cette corrélation n’est pas absolue. Sur ces 14 États, 12 ont été remportés par les Démocrates et deux par les Républicains (le Nevada et la Pennsylvanie). Kamala Harris l’a également emporté dans sept États où la pièce d’identité était demandée.
Outre ces contre-exemples, le fait qu’un État ne demande pas une pièce d’identité pour voter ne signifie pas que n’importe qui puisse voter. Même lorsque l’État ne requiert pas la pièce d’identité, il existe des procédures de vérification. Mais tous n’ont pas les mêmes.
Un contrôle de l’inscription sur les listes électorales
Pour connaître les règles en vigueur en matière d’identification électorale dans chaque État, le site du gouvernement américain renvoie au site d’un organisme non partisan, la Conférence nationale des législatures des États (NCSL).
Et selon ce site, les États, qui ne demandent pas de pièce d’identité pour voter, “ont des exigences d’identification non-documentaires, ce qui signifie que les électeurs doivent vérifier leur identité par d’autres moyens”.
Le site de la NCSL distingue trois principaux moyens permettant de vérifier l’identité dans ces États qui se passent de la pièce d’identité : la déclaration sous serment, la signature et la demande d’informations biographiques. “Ces exigences ne s’excluent pas mutuellement”, précise la NCSL.
Et le plus souvent, les signatures et les déclarations sous serment signées sont comparées à celles “figurant sur les formulaires d’inscription des électeurs”. Quant aux informations biographiques, elles sont vérifiées “en les comparant aux registres des électeurs, aux listes d’inscriptions ou aux registres électoraux électroniques”.
Par exemple, dans le Vermont, l’électeur doit indiquer son nom et éventuellement son adresse aux responsables électoraux, ce qui va permettre de vérifier son inscription sur les listes électorales.
Et pour s’inscrire sur les listes électorales, il faut que l’identité soit vérifiée, rappelle Barry Burden, professeur de sciences politiques à l’université du Wisconsin-Madison, à l’AFP.
D’autant que “la procédure pour s’inscrire sur les listes électorales aux États-Unis est extrêmement fastidieuse”, explique Maxime Chervaux, professeur agrégé à l’Institut français de géopolitique et spécialiste de la politique américaine.
Au-delà du fait que la fraude semble matériellement difficile à mettre en œuvre, “les peines lourdes encourues en cas de fraude ont un effet dissuasif”, poursuit le spécialiste.
Il est peu surprenant que ce soient des États historiquement démocrates qui, le plus souvent, ne demandent pas de pièce d’identité. “Dans la mesure où la carte d’identité n’existe pas aux États-Unis, la pièce d’identité la plus courante est le permis de conduire. Or, cette pièce d’identité suppose une certaine situation économique”, détaille Maxime Chervaux.
Les États républicains qui, eux, renforcent de plus en plus les procédures d’identification lors du vote sont accusés, notamment par la National Association for the Advancement of Colored People, d’entraver par ce biais l’accès aux votes à certaines minorités, notamment racisés, qui traditionnellement votent pour les démocrates.
Une vieille rumeur
Nous vous l’avions expliqué dans un précédent article, la rumeur selon laquelle les démocrates utiliseraient des votes d’individus ne possédant pas la citoyenneté américaine est loin d’être nouvelle. C’est une vieille rengaine qui revient à chaque élection présidentielle.
Différents rapports ont mis en avant ces dernières années que le vote de non-citoyens américains aux élections présidentielles représente des cas isolés.
D’après l’étude du Brennan Center for Justice, un institut non partisan rattaché à l’université de New York, paru en 2017, le vote de non-citoyens représente 0,0001 % des suffrages. Pas de quoi changer la donne dans un État.
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