7 octobre : un an de désinformation sur le conflit israélo-palestinien

Des femmes et des enfants palestiniens marchant devant des ruines, suite à des bombardements sur la ville de Gaza, le 8 avril 2024. (Photo : AFP)
Création : 7 octobre 2024

Autrice : Lili Pillot, journaliste

Relecteurs : Etienne Merle et Clara Robert-Motta, journalistes

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Lili Pillot, journaliste

Arme de guerre à part entière, la désinformation entourant le conflit israélo-palestinien inonde les réseaux sociaux et parfois les médias traditionnels. Depuis l’attaque du 7 octobre, cette guerre de l’opinion publique s’exporte jusque dans l’hexagone.

Je n’ai jamais observé autant de fausses informations en si peu de temps, c’est du délire”. Sur son compte X, le compte spécialisé dans la vérification de fausses informations, Random Debunk, n’en revient pas. 

Alors qu’Israël lance une vague de bombardements sur le Liban, la machine à fake news se met en marche : “Les affrontements entre Israël et le Hezbollah/Iran sont générateurs d’une désinformation massive sur les réseaux sociaux”, écrit-il le 3 octobre dernier

Cette récente surenchère du conflit au Proche-Orient, n’a fait que multiplier l’impressionnante quantité de désinformations qui circulait déjà concernant la guerre entre Israël et le Hamas

Depuis le 7 octobre 2023 et les attaques terroristes du Hamas, la désinformation s’est offert une place de choix dans ce conflit vieux de plus de 80 ans. Un outil de propagande, pour chacun des camps, qui s’exporte jusqu’en France, au risque d’enflammer un débat public déjà explosif. Les Surligneurs reviennent sur un an de fausses informations. 

Déshumaniser l’ennemi 

C’est une technique de guerre vieille comme le monde. Elle a aujourd’hui un nom : “l’atrocity propaganda” [propagande atroce en anglais, NDLR]. Cet outil consiste à exagérer les atrocités des crimes ou des actions de l’ennemi afin de le déshumaniser, mais également de mobiliser l’opinion publique.  

Trois jours seulement après les attaques du 7 octobre, une première fausse information apparaît : les soldats du Hamas auraient tué quarante bébés dans le kibboutz de Kfar Aza, installé à la frontière avec Gaza. Certains enfants auraient été décapités. 

Problème : la nouvelle ne repose que sur des témoignages invérifiables, relayés par la chaîne TV I24News, jugée proche de la ligne du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu. Mais qu’à cela ne tienne, elle est relayée sans vérification à travers le monde et notamment en France. 

Si d’autres atrocités ont été commises et documentées, rien ne permet encore aujourd’hui d’affirmer qu’une quarantaine de bébés ont été décapités. L’information sera même démentie par le bureau de presse du gouvernement israélien, rapportent nos confrères du Monde

Les citoyens israéliens sont également visés par cette stratégie de désinformation. Des internautes les ont accusés d’organiser des croisières au large de Gaza pour “admirer” les bombardements. Cette affirmation avait largement circulé au début du mois de septembre 2024 après la diffusion d’un documentaire sur une chaîne turque. 

Dans ce reportage, une scène montre effectivement des civils israéliens en train de naviguer sur un bateau, aux abords de la côte Palestinienne. Mais, comme nous l’avions découvert, cette embarcation n’a rien de touristique ni de régulier. Enfin, rien ne permet d’affirmer qu’elle a été organisée pour “admirer” les bombardements sur Gaza. 

Autre manière d’imposer sa vision en temps de guerre : discréditer ceux qui vous critiquent. L’ONG Médecin sans frontière en a fait les frais. L’organisation humanitaire a été accusée d’avoir mis en scène des blessés et des morts dans la bande de Gaza. En réalité, il s’agissait d’images issues d’un entraînement de soignants de l’ONG en 2017, qui ont été détournées par le camp pro-israélien en 2021 puis en novembre 2023, comme le révélait AFP Factuel.

Ridiculiser l’ennemi 

Autre outil de propagande : tourner l’ennemi en ridicule pour l’affaiblir. Dans le cas du conflit israélo-palestinien, Les Surligneurs ont repéré plusieurs épisodes où Israël a fait les frais de cette désinformation. Parmi les exemples récents, des internautes ont affirmé que le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, avait été forcé de se réfugier dans un bunker, à l’abri des missiles iraniens. Or, comme nous vous l’avions expliqué, la vidéo qui illustre cette information est sortie de son contexte : le Premier ministre l’avait lui-même posté en décembre 2021, indiquant qu’elle venait d’être tournée dans les locaux du Parlement. 

D’autres tentent de remettre en question les capacités militaires du pays. En juillet dernier, des internautes assuraient sans aucune source que la panne mondiale Microsoft avait impacté les moyens de défense israéliens. 

En jouant la surenchère de la contestation du gouvernement de Benjamin Netanyahou, des internautes avaient utilisé une vidéo de supporters de foot pour faire croire à une révolte du peuple israélien. 

Intox jusqu’en France

Si les fausses informations sont utilisées comme une arme de guerre, c’est parfois le conflit qui fait émerger des polémiques et des intox. En France, il aura suffi d’une manifestation de militants pro-palestiniens pour cristalliser un débat public déjà tendu. 

En avril 2024, des étudiants réunis à Science Po Paris en soutien aux victimes palestiniennes sont accusés d’antisémitisme. Leur tort ? S’être peints les mains en rouge. Certains y voient une référence à une photo prise juste après le massacre de deux soldats israéliens survenu en 2000.  

Pourtant, comme nous l’avions expliqué en avril dernier, rien ne permet d’attester cette référence volontaire. Ce symbole des “mains rouges”, étant régulièrement utilisé (par l’ONU elle-même) pour dénoncer certains crimes.   

Durant l’été 2024, lors des Jeux olympiques à Paris, c’est au tour du Comité international olympique d’être accusé de privilégier le camp palestinien face à Israël.

Lors de la cérémonie d’ouverture, un boxeur palestinien a porté une chemise faisant référence aux bombardements sur Gaza. Dans le même temps, la délégation israélienne s’est vue refusée le port de rubans jaunes en hommage aux victimes des attaques du 7 octobre. Certains y voient un “deux poids deux mesures” de la part du CIO. 

Les Surligneurs avaient enquêté sur ce sujet et rien ne permet d’affirmer qu’un tel traitement de faveur a eu lieu de la part du CIO.

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