Image par Nicola Giordano via Pixabay

#Fact-check. Non, le pétrole et le gaz ne sont pas des sources d’énergie renouvelable

Création : 10 juin 2024

Autrice : Maylis Ygrand, étudiante à l’École publique de journalisme de Tours

Relecteur : Etienne Merle, journaliste 

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Antoine Mauvy, étudiant en droit à Paris II Panthéon-Assas

Source : Compte Facebook, 27 mai 2024

Le pétrole et le gaz ne sont pas des sources d’énergie renouvelable, contrairement à ce qu’affirment deux internautes sur les réseaux sociaux. Aucune preuve scientifique ne vient attester leurs allégations.

Après avoir été mis au ban des sources d’énergie vertueuse, le pétrole et le gaz reviendraient-ils en grâce ? Ils le devraient, si on en croit deux internautes qui affirment, sur Facebook, que ces hydrocarbures “ne sont pas des combustibles fossiles”, mais bien “une source d’énergie renouvelable”.

Leurs posts publiés le 27 mai 2024 ici et ici se rapportent tous deux à un article publié dans Irrational Fear,  le 10 octobre 2023, un blog fondé par un climatosceptique américain.

Les auteurs des publications appuient aussi leurs propos sur un même argument : les scientifiques se seraient trompés sur la source de ces hydrocarbures et sur leur caractère renouvelable. Au lieu d’être “biogénique”, ces ressources seraient “abiogénique”, à en croire nos internautes.

Autant de mots qui donnent mal au crâne pour les moins scientifiques d’entre nous. Face à ce charabia, les Surligneurs ont contacté quelques experts pour éclairer nos lanternes et vérifier ces affirmations.

Abio-quoi ?

Il est communément admis que le pétrole et le gaz résultent d’une dégradation de matières organiques (biogénique). Le pétrole est un amas de “restes fossilisés de végétaux aquatiques ou terrestres, de bactéries et d’animaux microscopiques s’accumulant au fond des océans, des lacs ou dans les deltas“, précise le site de l’IFP énergie, l’ancien Institut du pétrole.

Le nœud du problème, c’est que nos internautes n’y croient pas. Eux sont persuadés que le pétrole et le gaz auraient une autre origine. Ces deux ressources seraient issues d’”une réaction géothermique entre le manteau solide et le noyau liquide” de la Terre. Elles seraient donc abiogéniques. Ce qui ferait du pétrole et du gaz, des ressources si abondantes qu’elles en deviendraient une source d’énergie renouvelable.

Ce mensonge aurait été perpétré pour maintenir le prix élevé en faisant croire à une rareté“, se révolte un internaute en commentaire de la publication. Alors, que disent les experts indépendants sur cette théorie ?

Pas d’abondance pour le pétrole

Selon François Baudin, professeur à l’Institut des Sciences de la Terre à l’université Pierre et Marie Curie (Paris VI), il existe bel et bien des ressources abiogéniques mais le pétrole n’en fait pas partie. C’est un composé très complexe, très riche en diversité, avec énormément de molécules qui contiennent du carbone et de l’hydrogène principalement, mais aussi un peu d’oxygène et un peu de souffre, explique-t-il. Cette composition est plus difficile à faire par des procédés abiogéniques.” 

Argumentaire confirmé par Nicolas Tribovillard, professeur au laboratoire d’océanologie et de géologie à l’université de Lille, dont les recherches se concentrent sur les phénomènes biogéniques ou abiogéniques : “Dans les phénomènes abiogéniques, le carbone n’est pas lié à l’hydrogène. Or, le pétrole porte cette liaison carbone/hydrogène, typique du vivant.

Une échelle de millions d’années

Le pétrole est d’autant moins une énergie renouvelable à l’échelle des Hommes qu’il faut “des millions d’années pour les débris végétaux et animaux pour être transformé en pétrole, explique Jean-Pierre Favennec, professeur à l’IFP School, ce n’est pas à l’échelle de nos besoins. D’ailleurs, tous les gisements de pétrole que l’on a épuisés, on les a fermés”.  En d’autres termes, nous consommons trop de pétrole par rapport à sa capacité de reconstitution.

Or, c’est exactement l’inverse pour les énergies renouvelables, comme l’expliquent les Nations unies sur leur site internet :  “Les énergies renouvelables sont des énergies provenant de sources naturelles qui se renouvellent à un rythme supérieur à celui de leur consommation.” 

Des gaz dans le même bateau ?

Du côté des gaz, c’est un petit peu plus complexe. S’il est admis qu’il en existe d’origine abiogénique, c’est en petite quantité : “Dans la croûte, là où les plus gros gisements d’hydrocarbures ont été trouvés, la matière organique est très majoritairement d’origine biologique”, indique par message Bénédicte Menez, professeure à l’Institut de physique du globe de Paris.

Un avis que partage également François Baudin :”Cela ne produit jamais de grands réservoirs”. Ainsi, selon lui, “il ne faut pas nier qu’il y ait des processus abiogéniques pour le gaz, mais ils ne conduisent pas à ce qu’on les exploite”. Dans ces conditions, qualifier cet hydrocarbure de ressource renouvelable est faux.

Depuis peu, de nouvelles manières de produire du gaz vraiment renouvelable existent, rappelle Greenpeace, mais pour l’heure, ces techniques sont encore en développement et ne peuvent, à elles seules, compenser la consommation mondiale.

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