Crédits photo : Foundations World Economic Forum (CC 2.0)

Emmanuel Macron : “Dès 2025, il y aura un travail sur les branches qui continuent de payer sous le SMIC”.

Création : 20 janvier 2024
Dernière modification : 21 janvier 2024

Auteur : Pascal Caillaud, chargé de recherche CNRS en droit social, Université de Nantes

Liens d’intérêts : aucun

Fonctions politiques ou similaires : aucune

Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay

Liens d’intérêts : aucun

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Secrétariat de rédaction : Sasha Morsli Gauthier

Source : Conférence de presse d'Emmanuel Macron, 16 janvier 2024 (49'55")

Il est inexact de dire que les branches “continuent à payer sous le SMIC“. D’abord, parce que leur rôle est de négocier et qu’elles le font. Ensuite, parce que ce sont les employeurs qui rémunèrent et doivent, quels que soient les minima, appliquer le SMIC.

Abordant la question du pouvoir d’achat lors de sa conférence de presse du mardi 16 janvier, le chef de l’Etat a déclaré : “Dès 2025, il y aura un travail avec les branches qui continuent à payer sous le SMIC”.
Cette déclaration du Président de la République laisse entendre que l’Etat est partie prenante à la négociation sur les salaires minima de branches et que faute de négociation dans ces branches, des salariés sont rémunérés sous le SMIC … ce qui est doublement faux.

Les branches négocient les salaires sans l’Etat

C’est aux partenaires sociaux des branches professionnelles qu’il appartient de négocier avec les syndicats les conventions collectives, en particulier les salaires minima hiérarchiques (article L2253-1 du Code du travail), qui devront être pratiqués par les entreprises de cette branche.
Depuis les ordonnances de 2017 prises au début du quinquennat précédent, ces partenaires sociaux déterminent la périodicité de leurs rendez-vous pour cette négociation des salaires. Cette périodicité ne peut être supérieure à quatre ans. Mieux, si les partenaires sociaux ne se mettent pas d’accord sur ces rendez-vous réguliers, la loi leur impose alors de se retrouver pour négocier sur les salaires tous les ans ! Dans cette négociation, l’Etat n’est pas partie prenante. Sa seule compétence sera d’étendre l’accord après sa conclusion et à la demande des signataires, c’est-à-dire de le rendre applicable par arrêté ministériel à toutes les entreprises de la branche concernée (article L2261-15) : à cette occasion, le ministre du Travail vérifie que la convention de branche comprend bien des dispositions sur le salaire minimum conventionnel des salariés sans qualification.

L’augmentation du smic : l’Etat décide sans les entreprises

Créé sous le nom de SMIG en 1950 et devenu SMIC en 1970, le salaire minimum interprofessionnel de croissance est automatiquement revalorisé selon l’évolution de l’indice mensuel des prix à la consommation (articles L3231-4 à L3231-5). Cet indice est calculé chaque mois par l’Insee et publié au Journal Officiel pour mesurer l’évolution générale des prix des biens et des services consommés par les Français. Deux situations d’augmentation automatique du smic sont prévues. Premier cas de figure : chaque année, au 1er janvier, une augmentation du smic par décret tient compte de l’évolution annuelle de cet indice (article L3231-4). Deuxième cas de figure : lorsque, en cours d’année, cet indice des prix à la consommation atteint un niveau correspondant à une hausse d’au moins 2% par rapport à l’indice précédent, un arrêté doit relever le smic dans la même proportion dès le mois suivant (article L3231-5). Du fait de l’inflation, ces dernières années, ces textes ont donc contraint le gouvernement à augmenter le smic à sept reprises depuis le 1er janvier 2021. Une augmentation du smic se fait alors par un simple décret ou arrêté.

Les branches ont du mal à suivre

Cette fréquence des augmentations et le temps court pour publier un arrêté ou un décret sont peu compatibles avec la temporalité d’une négociation sur les salaires, surtout quand on y ajoute la durée de la procédure d’extension d’un accord indispensable à l’application dans toutes les entreprises de la branche.
Or, les branches négocient bien plus qu’on le croit sur les salaires minima. D’abord, parce que le Code du travail les oblige à le faire. Quand le salaire minimum des salariés sans qualification de la branche est inférieur au smic, la négociation sur les salaires doit se lancer dans les 45 jours (article L2241-10). Cette durée s’étendait à 3 mois jusqu’en 2022. D’autre part, les chiffres du ministère du Travail montrent que cette négociation salariale de branche est active en France : en 2021 (derniers chiffres connus), le nombre de branches ayant procédé à un relèvement des salaires minima au moins une fois dans l’année est passé de 185 en 2020 (soit 63% des branches) à 203 en 2021 (soit 69%).
Pour aller encore plus vite, peut-on alors imaginer qu’un accord salarial prévoie une indexation automatique des salaires minima sur les augmentations du smic ? Une telle solution est totalement interdite par le Code du travail depuis 1982, car on estimait alors que de telles augmentations contribuaient à accentuer l’inflation. Il est de la compétence du Parlement de supprimer cette interdiction.

Même si la branche ne suit pas, les employeurs doivent payer au smic

Entre le salaire minimum de branche et le smic, tout employeur doit appliquer le plus favorable au salarié. Pour cela, il lui faudra comparer les deux. Plusieurs éléments de rémunération entrent en jeu et ne rendent pas si simple cette comparaison. Ainsi, dans l’assiette de “vérification du smic”, on trouve le salaire de base, les avantages en nature, pourboires, primes de rendement… En sont exclus le remboursement de frais supportés par le salarié, des primes forfaitaires compensant des frais à la charge des salariés dans leur travail (primes de panier, d’outillage, de salissure…), les majorations pour heures supplémentaires, pour travail du dimanche, des jours fériés et de nuit, les primes d’ancienneté, d’assiduité…

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