Le statut constitutionnel de la Nouvelle-Calédonie : quelle autonomie dans l’action ? 2/2
Auteur : Guillaume Baticle, master de droit public, Université de Picardie Jules Verne
Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Secrétariat de rédaction : Emma Cacciamani
La Nouvelle-Calédonie est une collectivité particulière car ses institutions peuvent agir dans un très grand nombre de domaines divers. Les institutions de la République contrôlent néanmoins les actes produits par les pouvoirs locaux.
Emmanuel Macron a commencé cette semaine sa deuxième visite de la Nouvelle-Calédonie en tant que Président de la République. Une occasion d’expliquer le cas juridique très particulier de ce bout de territoire français du pacifique. Cette collectivité se distingue du reste du territoire français, métropolitain et d’outre-mer, par une large autonomie dans la gestion du territoire et de ses résidents.
La répartition des compétences entre l’État et la Nouvelle-Calédonie
La loi organique du 19 mars 1999 qui fixe le statut particulier de la Nouvelle-Calédonie énonce les compétences détenues par l’État, celles dévolues à la collectivité, et celles partagées entre les deux.
L’État conserve les compétences régaliennes, à savoir la justice, le maintien de l’ordre public (dont la santé), la défense, la monnaie et les affaires étrangères.
Dans ce dernier domaine toutefois, les relations extérieures, l’entrée et le séjour des étrangers sont régies en association avec l’État. Par exemple, le gouvernement néo-calédonien peut être associé à la négociation voire à la ratification de traités entre le France et d’autres États. La Nouvelle-Calédonie peut également avoir sa propre représentation au sein des organisations internationales. Dans ces deux cas, elle doit obtenir l’accord de l’État français. Il en va de même en matière d’enseignement supérieur et la recherche, avec ses propres coopérations internationales.
Toutes les autres compétences ont été transférées à la collectivité, notamment en matière fiscale, sociale (statut des fonctionnaires locaux, droit du travail, protection sociale), ou encore de communications et de relations commerciales avec l’extérieur. La Nouvelle-Calédonie a donc la maîtrise de certains domaines stratégiques avec son propre Code minier, son Code des douanes, son Code des impôts, son Code de l’urbanisme, son Code civil, etc.
Le sénat coutumier, garant de la culture kanak, est consulté pour avis sur tout projet ou proposition de loi qui ont trait à la culture locale.
L’assemblée de province (la Nouvelle-Calédonie comprend trois provinces) et son président sont compétents pour toute question relevant de la province, notamment le vote et l’adoption de son budget, mais aussi l’environnement et le développement économique, le tourisme.
La répartition des compétences entre les institutions néo-calédoniennes
La loi de 1999 prévoit que les compétences transférées de l’État à la Nouvelle-Calédonie sont exercées par le congrès, sauf celles qui sont attribuées par la même loi au gouvernement de Nouvelle-Calédonie. Ce dernier prépare les projets de délibérations et de “lois du pays”, soumis au vote du congrès. Il organise notamment les concours d’accès aux emplois publics de Nouvelle-Calédonie et fixe les modalités d’application de la rémunération des agents publics. Il est également compétent pour négocier et conclure les marchés publics. Le président du gouvernement est lui compétent pour nommer aux emplois publics, ordonner les dépenses de la Nouvelle-Calédonie et représenter le territoire en justice. Le gouvernement et son président peuvent être habilités par le congrès à prendre des arrêtés pour appliquer les actes législatifs, dans le but d’une plus grande efficacité.
Le congrès exerce ses compétences sous forme d’actes dits “lois du pays”. Les lois du pays peuvent intervenir, entre autres, dans les domaines du droit fiscal, du droit du travail, syndical et de la sécurité sociale. Les projets et propositions de loi du pays font l’objet d’un contrôle pour avis du Conseil d’État qui vérifie que le gouvernement et le congrès agissent dans le respect de leurs attributions au regard de la loi de 1999 et de la Constitution. Le congrès produit également des délibérations pour appliquer les lois du pays ou si le congrès agit dans le cadre des compétences de la Nouvelle-Calédonie mais hors du champ d’application des lois du pays.
Tous ces actes sont publiés au Journal Officiel de la Nouvelle-Calédonie (le JONC).
De même, les provinces néo-calédoniennes disposent d’un large pouvoir, puisqu’elles peuvent adopter certains codes par délibération, en matière environnementale ou de développement économique (cf. par ex. le Code de l’environnement de la Province du Sud).
Le contrôle de l’État
Le haut-commissaire, représentant de l’État sur le territoire, effectue, à l’image d’un préfet de département, un contrôle de légalité des délibérations et arrêtés, ou encore sur les décisions individuelles prises par les autorités néo-calédoniennes. S’il estime que le gouvernement ou le congrès outrepassent leurs compétences fixées par la loi organique, le haut-commissaire saisit le juge administratif. C’est à ce dernier, alors, de départager le haut-commissaire et l’autorité locale concernée.
Le Conseil constitutionnel peut également être saisi après l’adoption d’une loi du pays. S’il considère que celle-ci est totalement ou partiellement contraire à la Constitution, il la censure totalement ou partiellement, avant la promulgation par le président du gouvernement.
Cette large autonomie de la Nouvelle-Calédonie s’explique par la trajectoire vers l’indépendance qu’avait imprimée l’accord de Nouméa de 1998. Les compétences encore détenues par l’État sont progressivement transférées pour que, à terme, le “Caillou” puisse jouir d’une autonomie encore plus large.
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