Enfin un code de conduite européen du fact-checking !
Auteurs : Orla Richard, master de droit , Aix-Marseille Université
Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Relecteur : Philippe Mouron, maître de conférences en droit privé, Aix-Marseille Université, Institut de recherches et d’études en droit de l’information et de la culture (IREDIC)
Secrétariat de rédaction : Emma Cacciamani et Loïc Héreng
Le European Code of Standards for Independent Fact-Checking Organisations (Code européen des principes pour les organisations indépendantes de fact-checking) a été publié le 20 septembre 2022.
Il couvre des questions essentielles pour les organisations ou organismes européens dédiés au fact-checking ou, en français, la vérification des faits, laquelle se définit comme l’utilisation d’une méthode fondée sur des preuves pour vérifier l’exactitude des affirmations faites dans la sphère publique.
Ce code de conduite est, comme l’indique l’Agence France Presse, le résultat de nombreux mois de recherches, d’enquêtes, de débats et de discussions entre les fact-checkers européens, ainsi qu’avec des chercheurs et d’autres experts de la désinformation.
Un réseau de fact-checkers
Les organisations et/ou organismes européens de fact-checking qui se conformeront rigoureusement à ce code de conduite pourront devenir membres certifiés de l’”European Fact-Checking Standards Network”, c’est-à-dire Réseau européen des principes du fact-checking (EFCSN). Ce réseau représentera la communauté des fact-checkers et aura vocation à en soutenir le développement. Il sera dirigé par six organisations spécialisées dans le fact-checking : AFP (France), EUDisinfoLab (Belgique), Fundación Maldita.es (Espagne), CORRECTIV (Allemagne), DEMAGOG (Pologne), et Pagella Politica/Facta (Italie).
Une norme de qualité du fact-checking
Les organismes adhérents au réseau se donnent pour vocation de vérifier les erreurs (volontaires ou non) et de lutter contre la désinformation, tout en respectant des normes très contraignantes de méthodologie, d’éthique et transparence afin de servir au mieux l’intérêt public, comme l’énonce le code de conduite dès son introduction. L’engagement est donc celui de servir de couvrir des questions d’intérêt public, en fournissant des informations exactes, de manière éthique et transparente, sans parti pris ni préjugé.
Un enjeu de stabilité politique
En 2018, la Commission européenne définissait ainsi la désinformation : “on entend par désinformation, les informations dont on peut vérifier qu’elles sont fausses ou trompeuses, qui sont créées, présentées et diffusées dans un but lucratif ou dans l’intention délibérée de tromper le public et qui sont susceptibles de causer un préjudice public.”
L’enjeu est considérable, puisqu’il en va de la stabilité politique des Etats de l’Union européenne, d’où la création de ce réseau, qui sera toutefois indépendant des institutions européennes. Selon la Commission européenne en effet, qui a contribué à la création de l’EFCSN mais en gardant ses distances avec ce dernier, la désinformation constitue un véritable fléau : elle “mine la confiance dans les institutions et dans les médias traditionnels et numériques, et elle nuit à nos démocraties en entravant la capacité des citoyens à prendre des décisions informées. Par ailleurs, la désinformation soutient souvent des idées et des activités radicales et extrémistes. Elle porte atteinte à la liberté d’expression, qui est un droit fondamental inscrit dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.”
Un enjeu international
GlobalFact est un évènement organisé par le réseau international de vérification des faits de Poynter (International Fact-Checking Network, ou IFCN), qui a eu lieu en juin dernier. L’IFCN est un réseau mondial crée en 2015, de chercheurs et journalistes certifiés luttant contre la désinformation, par le biais du fact-checking ou encore en menant des réflexions plus larges lors du Global Fact. Parmi les 115 signataires certifiés du réseau IFCN, CheckNews de Libération, Science Feedback, AFP Factcheck Fake Off de 20 Minutes, France Info… et votre média favori Les Surligneurs.
En 2022, le sommet du Global Fact 9 a eu pour objectif de discuter de l’état et de l’avenir de la vérification des faits au milieu d’une pandémie mondiale et de ce qui a été baptisé infodémie (mot-valise signifiant épidémie d’informations fausses). Ce fut l’occasion de réfléchir aux différentes méthodes de préservation de la vérité et de la transparence dans le journalisme, y compris les vérificateurs de faits. Mais étaient aussi concernés les décideurs politiques, les dirigeants, les éducateurs et les citoyens. Ainsi ont été identifiées certaines normes de conduite pour agir efficacement contre la désinformation, afin de restaurer la confiance envers les médias et le monde politique.
Une déontologie du fact-checker
La vérification des faits ne s’improvise pas. Elle implique le respect de règles déontologiques, mais surtout une participation de tous les acteurs : les scientifiques apportent la connaissance aux journalistes, lesquels médiatisent cette connaissance, la diffusent tout en respectant une stricte déontologie. Sont également impliquées les institutions publiques, chargées de réguler l’information et de sanctionner les cas de désinformation manifeste, sans oublier le lecteur, qu’il faut éduquer aux médias et à l’information. Dans ce but, le Détecteur de rumeurs de l’Agence Science-Presse met à disposition du public ses ressources en éducation aux médias et à l’information : “des formations, capsules vidéos et outils pour lutter contre la désinformation, notamment en science, et pour favoriser le développement d’un esprit critique.”
Que trouve-t-on dans cette nouvelle déontologie européenne ?
Des principes éthiques tels que l’impartialité, le respect de la vie privée, la transparence des sources et de l’organisation des fact-checkeurs, notamment sur le plan financier, afin que le lecteur puisse savoir qui finance le média qu’il lit. Il s’agit d’éviter les conflits d’intérêts, car chacun sait qu’il est difficile d’être impartial à l’égard de “la bouche qui nous nourrit” (adage désormais célèbre de Cyril Hanouna, TPMP).
Parmi ces principes encore, la grande place faite à la contradiction : toute information suppose de contacter les personnes visées avant diffusion, pour obtenir leur point de vue. Et si la personne contactée répond, l’information diffusée doit faire état de cette réponse. Surtout, le fact-checkeur accepte que ses écrits soient contestés sur son propre média (à travers un lien de réclamation facilement accessible), et corrige au besoin ses informations si elles s’avèrent erronées.
Et le temps presse : chaque année, l’Institut de Recherches en Stratégie de l’École militaire (IRSEM) alerte sur la menace que fait peser la désinformation issue de puissances étrangères sur la démocratie en Europe.
Quelques vérificateurs de faits :
Français
Européens
Dans le cadre d’un partenariat avec le Master 2 Droit des médias électroniques de l’Université d’Aix-Marseille, Les Surligneurs vous proposent une sélection d’articles entre novembre 2022 et janvier 2023. Plus d’articles peuvent être consultés sur le site internet de l’Institut de recherches et d’études en droit de l’information et de la culture (IREDIC)
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