Laurent Bourcier, CC 3.0

« 200 clandestins africains » en provenance de Mayotte ont-ils été hébergés au château de Grignon ?

Création : 13 mars 2024
Dernière modification : 3 avril 2024

Auteur : Nicolas Kirilowits, journaliste

Relecteur : Vincent Couronne, docteur en droit européen, chercheur associé au centre de recherches VIP à l’Université Paris-Saclay

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Guillaume Baticle

Source : Post Facebook, 28 février 2024

Relayée massivement sur les réseaux sociaux, et notamment par des personnalités politiques de premier plan, l’information était pourtant fausse. Si des personnes ont bien été accueillies sur le Domaine de Grignon, elles n’étaient pas clandestines et n’ont aucunement mené la vie de château. 

Fact-check. Relayée massivement sur les réseaux sociaux, et notamment par des personnalités politiques de premier plan, l’information était pourtant fausse. Si des personnes ont bien été accueillies sur le Domaine de Grignon, elles n’étaient pas clandestines et n’ont aucunement mené la vie de château.

Il suffit de s’imaginer le décor pour comprendre les raisons de l’emballement médiatique et politique à quelques semaines des élections européennes : un château historique, témoin d’un savoir-faire agronome à la française, occupé par des personnes en situation irrégulière. Mais si le scénario paraissait stupéfiant de prime abord, la réalité était, elle, tout autre. Alors, 200 clandestins ont-ils vraiment séjourné au château de Grignon comme l’ont affirmé de nombreuses personnes sur les réseaux sociaux ?

Des réfugiés dotés de droits et non des « clandestins » 

Si la réponse par la négative semble évidente, elle s’appuie, qui plus est, sur des faits. Le premier d’entre eux, et pas des moindres, concerne le lexique employé et ses impacts juridiques. Ainsi, dans le cas présent, il était trompeur de parler de « clandestins » puisque les personnes accueillies sur place bénéficiaient du statut de réfugié comme l’affirmaient alors Lotfi Ouanezar, le Directeur Général d’Emmaüs Solidarité, la structure chargée de la prise en charge des concernés. Dans un message posté sur LinkedIn à la suite d’une action hostile menée par des militants d’extrême-droite, celui-ci précisait notamment que le centre d’hébergement géré par son association servait à « accueillir et accompagner des familles/enfants venant de Mayotte et ayant obtenu l’asile en France. » De son côté, la maire de la commune de Thiverval-Grignon, Nadine Gohard, informait les habitants de sa commune dans un communiqué, le 1er mars, « du choix fait par l’Etat de désigner notre commune avec le Domaine de Grignon comme centre d’accueil de familles et de femmes isolées réfugiées statutaires, provenant de Mayotte et originaires de pays africains. » Enfin, et plus sommairement, le Domaine de Grignon étant un site propriété de l’État, il est de fait impossible d’y abriter des personnes en situation irrégulière.

Aussi à toutes fins utiles rappelons que, conformément à la Convention de Genève de 1951, le statut de réfugié peut être accordé notamment à une personne « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ».

Une vie loin de la cour

Mise au point lexicale faite, les personnes abritées sur le domaine situé dans les Yvelines, ont-elles tout de même été logées dans le château de Grignon ? Là encore, l’imagination a largement dépassé la réalité. « Les familles n’occupent pas le Château mais des annexes et des résidences pour étudiants, vides depuis des mois… », rappelait ainsi dans son message Lotfi Ouanezar. Des informations confirmées par ailleurs par Mathieu Baron, le Délégué général de l’association Grignon 2000.  Jusqu’à il y a deux ans, et pendant deux siècles, le Domaine de Grignon était l’un des campus de l’école d’ingénieurs AgroParisTech. Cette dernière a déménagé sur son nouveau site de Paris-Saclay, dans l’Essonne, en 2022. Pas de vie de château donc à l’évidence mais un lieu d’accueil approprié au regard des situations personnelles et juridiques de chacun.

Logements à proximité du château de Grignon, Crédits : Emmaüs Solidarité

 

Chambre à proximité du château de Grignon, Crédits : Emmaüs Solidarité

Enfin, concernant le nombre exact de personnes emportées malgré elles dans cette polémique fin février, la mairie de Thiverval-Grignon évoque dans son communiqué le nombre de « 191 » quand de nombreux articles de presse mentionnent quant à eux la présence de « 195 » personnes.  Une différence numéraire qui ne change rien à la courte durée de séjour d’une majorité d’entre eux sur le Domaine de Grignon. En effet, cinq jours seulement après leur arrivée 110 personnes avaient déjà quitté le site pour d’autres régions françaises d’après l’édile de Thiverval-Grignon. Le 13 mars plus personne n’était hébergé sur les lieux selon les informations récoltées par Les Surligneurs.

Une erreur dans ce contenu ? Vous souhaitez soumettre une information à vérifier ? Faites-le nous savoir en utilisant notre formulaire en ligne. Retrouvez notre politique de correction et de soumission d'informations sur la page Notre méthode.

Faites un don défiscalisé, Soutenez les surligneurs Aidez-nous à lutter contre la désinformation juridique.