Violences après la victoire du PSG : le Code pénal est-il vraiment impuissant, comme l’affirme Laurent Nuñez ?
Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public, université de Poitiers
Relecteur : Jean-Baptiste Thierry, professeur de droit pénal, université de Lorraine
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste
Source : Laurent Nuñez sur BFM TV, le 2 juin 2025
À la suite des violences et pillages survenus après la victoire du PSG, samedi 31 mai, Laurent Nuñez a affirmé qu’il fallait « des textes qui permettent d’être répressifs ». Or, le droit pénal prévoit déjà un arsenal juridique complet. Rappeler la loi, c’est aussi rappeler que justice ne se rend pas dans l’instant : preuve, procédure et individualisation des peines restent les piliers de l’État de droit.
Le Code pénal français serait-il laxiste ? Invité sur le plateau de BFM TV, le 2 juin 2025, Laurent Nuñez, préfet de police de Paris, a été interrogé sur les débordements en marge des célébrations de la victoire du Paris Saint-Germain. Il a expliqué son impuissance face aux cas de pillages, en prenant l’exemple du Foot Locker dans lequel une trentaine de personnes ont été interpellées samedi soir.
Jetant le doute sur les suites judiciaires qui suivront les interpellations, il a déclaré qu’il fallait « des textes qui permettent d’être répressifs ». C’est oublier que ces textes existent déjà et que, pour condamner quelqu’un, il faut avoir des preuves suffisantes de la commission d’une infraction…
Un Code pénal très précis
Laurent Nuñez prend l’exemple du pillage d’un magasin. L’article 322-1 du Code pénal prévoit déjà que « la destruction, la dégradation ou la détérioration d’un bien appartenant à autrui est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende ». De plus, selon l’article 311-4, le vol peut faire encourir jusqu’à sept ans, voire dix ans d’emprisonnement lorsqu’il est commis avec deux ou trois circonstances aggravantes. Tel est le cas s’il est commis par plusieurs personnes, dans un lieu utilisé ou destiné à l’entrepôt de fonds, valeurs, marchandises ou matériels et qu’il est précédé, accompagné ou suivi d’un acte de destruction, dégradation ou détérioration.
En plus des pillages, la nuit de samedi a été le théâtre d’affrontements avec les forces de l’ordre. Là encore, la loi prévoit des sanctions. Les articles 222-7 et suivants prévoient pour différents faits de violence des condamnations allant de un à trente ans de réclusion criminelle.
La sanction est aggravée par l’article 222-14-5 qui vise les violences faites aux policiers, gendarmes ou élus.
Il existe donc bien des textes qui permettent de réprimer ces infractions et sur lesquels les forces de l’ordre peuvent se fonder pour interpeller des personnes. On peut ajouter qu’être arrêté ne signifie pas être condamné : il faut ensuite respecter les règles de procédure et réussir à démontrer que l’infraction a bien été commise.
Mais, lors de l’interview, le préfet de police de Paris insinue que c’est justement cette charge de la preuve qui empêche les textes d’être répressifs. « Est-ce que nos textes de loi permettent de poursuivre ou pas ? Est-ce qu’on va pas nous demander de justifier que la personne a bien commis un vol ? », interroge-t-il.
Pourtant, sans preuves, la présomption d’innocence ne peut être renversée. Cette dernière, garantie par l’article 9 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen et l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme, constitue un pilier fondamental du droit pénal français.
Une application de la loi au cas par cas
Parmi les plus de 500 personnes interpellées sur Paris, certaines ont déjà été jugées et condamnées. Les sanctions prononcées — trois mois d’emprisonnement avec sursis à douze mois d’emprisonnement dont une partie ferme avec mandat de dépôt — ont été vivement critiquées par le ministre de la Justice Gérald Darmanin, ne les jugeant pas « à la hauteur de la violence » commise.
Cependant, le communiqué du parquet de Paris fait part de nombreuses poursuites et condamnations et insiste sur l’importante mobilisation de l’institution pour « traiter les comptes-rendus dans un délai raisonnable, assurer une analyse précise des procédures, et ouvrir une audience de comparution immédiate supplémentaire ».
En outre, le juge ne doit pas appliquer simplement et systématiquement la sanction encourue. Il doit examiner chaque cas et prononcer une peine n’allant pas au-delà de ce qui est prévu par le Code pénal. C’est l’application du principe d’individualisation de la peine que le Conseil constitutionnel a fait découler de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen.
Ainsi, selon les situations, le juge peut retenir le casier judiciaire de la personne poursuivie, prendre en compte ses explications, son comportement, sa personnalité, les circonstances de l’infraction, etc.
Libre alors au législateur et aux ministres, comme Gérald Darmanin, de proposer de durcir encore plus l’arsenal juridique déjà existant, tout en restant conforme aux principes constitutionnels et protégés par nos engagements européens.