Non, le vaccin rougeole-oreillons-rubéole n’est pas fabriqué avec des « débris de fœtus avortés »
Auteur : Nicolas Kirilowits, journaliste
Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Fanny Velay, étudiante en journalisme à l’École W
Source : Compte Facebook, le 11 mai 2025
Un malentendu subsiste quant au processus de fabrication du vaccin ROR. Si des cellules fœtales sont cultivées pour produire certains vaccins, dont celui de la rubéole, ceux-ci sont ensuite purifiés et ne contiennent aucune trace de cellules de fœtus lors de leur injection.
C’est la pire épidémie de rougeole depuis 30 ans aux États-Unis. Alors que depuis le début de l’année, plus de 1 000 cas ont été confirmés, selon un calcul de l’AFP, le secrétaire d’État américain à la santé, Robert F. Kennedy Jr. est accusé d’attiser la méfiance envers les vaccins.
Une de ses interviews sur Fox News est largement reprise sur les réseaux sociaux. « Le vaccin ROR [rougeole, oreillons, rubéole, ndlr] contient des millions de particules de débris de fœtus avortés », développent les internautes francophones qui partagent la vidéo.
Forcément interpellante, cette allégation n’en reste pas moins trompeuse. Tout d’abord, RFK Jr. se reprend pendant l’interview en précisant que le vaccin ROR (MMR en anglais) a plutôt été « créé » à partir de « millions de particules de débris de fœtus avortés ». Ensuite, s’il existe un lien entre des cellules fœtales et ce vaccin, il est extrêmement éloigné de celui avancé dans la publication.
Une méthode de production des vaccins
Ici, il faut s’intéresser au mode de production du vaccin. Les vaccins contre les virus « contiennent de minuscules fragments de l’organisme à l’origine de la maladie », peut-on lire sur le site de l’OMS. Les vaccins qui servent à lutter contre les virus sont parfois fabriqués à partir du même virus. C’est le cas pour la rubéole qui fait partie du vaccin ROR.
Or, « les virus ne se répliquent pas spontanément », explique aux Surligneurs Julie Leask, professeure à l’Institut des maladies infectieuses de l’université de Sydney. « Ils ont donc besoin de cellules pour cela. Les lignées cellulaires humaines sont idéales pour ce processus ». Une information par ailleurs affichée sur la notice des vaccins.
C’est là qu’intervient la question des cellules humaines fœtales. Loin d’être des « particules » des « débris de fœtus », une lignée cellulaire s’obtient « en prélevant une cellule sur un fœtus (en l’occurrence, avorté) et en multipliant cette cellule en plusieurs cellules identiques. Ces cellules peuvent être cultivées et multipliées pendant plusieurs décennies, créant ainsi des lignées cellulaires », explique l’Institut européen de bioéthique, un think tank catholique.
Aucune trace de fœtus
Les cellules de fœtus – qui constituent la base des lignées cellulaires – servent en quelque sorte de moyens de production des vaccins, mais ne sont en aucun cas présents dans l’injection finale.
Une fois les virus vaccinaux cultivés dans les cellules, ces dernières sont purifiées. « Les cellules fœtales ne servent que de support à la production des virus vaccinaux, elles sont éliminées par des techniques de haute purification lors des processus de fabrication des vaccins », appuie Françoise Salvadori, maître de conférences en immunologie à l’université de Bourgogne.
Mais alors pourquoi recourir à des cellules humaines plutôt qu’à des cellules animales comme c’est le cas pour d’autres vaccins (poliomyélite, rougeole, oreillon) ?
« Ces cellules sont utilisées non pas en raison de leur origine, mais parce qu’elles offrent un environnement stable, sûr et fiable pour la croissance du virus atténué », développe Hassan Vally, professeur en épidémiologie à l’université de Deakin, en Australie, dans un article publié en réponse aux déclarations de Robert F. Kennedy Jr.
« Les cellules fœtales se distinguent des autres types de cellules par leur quasi-immortalité, ce qui signifie qu’elles peuvent se reproduire de très nombreuses fois avant de mourir », détaille le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC). « Elles sont aussi moins soumises à un risque de contamination et sont donc aujourd’hui privilégiées dans la production de virus vaccinaux », ajoute François Salvadori.
Des cellules de 60 ans
Surtout, les fabricants ne prélèvent pas à chaque fois de nouvelles cellules de fœtus avortés afin de produire des vaccins. « Deux principales souches cellulaires humaines ont été utilisées pour développer les vaccins actuellement disponibles, chaque fois à partir des cellules fœtales originales en question obtenues dans les années 1960 », décrit le Collège de médecins de Philadelphie, Ainsi, depuis presque 70 ans maintenant, c’est sur la base des mêmes cellules fœtales que sont créés toute une série de vaccins.
« Aucun autre fœtus avorté n’a été utilisé plus récemment dans les processus de fabrication », peut-on également lire sur le site dédié aux professionnels de santé VaccinClic.
Quant aux traces d’ADN, là aussi les malentendus semblent prendre le pas sur la réalité.
Dans un document consacré à cette question, l’hôpital pour enfants de Philadelphie indique : « Lorsque l’ADN [des cellules fœtales, ndlr] issu du processus de production a été mesuré dans les vaccins, il n’était présent qu’à l’échelle du picogramme. Un picogramme correspond à un trillionième de gramme (0,000000000001). Par conséquent, cette petite quantité de matériel fragmenté ne peut ni endommager ni interagir avec notre propre ADN. »
Une information corroborée par les spécialistes interrogés par Les Surligneurs et ces différents articles de presse : Reuters, dpa, aap.