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Image d'illustration. Domaine public.

Aucune étude scientifique ne montre que le vaccin contre la grippe augmente le risque d’infection

Création : 22 avril 2025

Auteur : Nicolas Kirilowits, journaliste

Relecteur : Etienne Merle, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Fanny Velay, étudiante en journalisme à l’École W

Source : Compte Facebook, le 7 avril 2025

Une étude américaine non relue par les pairs a été détournée sur les réseaux sociaux pour faire croire que le vaccin contre la grippe augmenterait le risque d’infection. En réalité, aucune preuve scientifique ne va dans ce sens.

Les conclusions, a priori surprenantes, d’une étude menée par le Cleveland Clinic, un centre médical universitaire américain à but non lucratif, ont fait l’objet d’une mésinterprétation sur les réseaux sociaux. 

Elle a porté sur plus de 53 000 employés de l’établissement et visait à mesurer l’efficacité du vaccin contre la grippe pour la saison hivernale 2024-2025. Résultat : les soignants vaccinés ont été proportionnellement plus nombreux à contracter la grippe que ceux qui ne l’étaient pas.

Ce constat a rapidement été détourné sur les réseaux sociaux. Certains internautes y ont vu la preuve que « se vacciner, c’est augmenter le risque de préjudice », comme l’affirme une publication Facebook. Une interprétation pour le moins trompeuse.

D’abord, l’étude ne conclut jamais à un lien de causalité entre vaccination et infection. Elle constate simplement « que le vaccin n’a pas été efficace dans la prévention de la grippe au cours de cette saison ». Ce qui est très différent de dire qu’il a favorisé l’infection.

Une interprétation fallacieuse

Contacté par les Surligneurs, le service presse du centre médical universitaire rappelle ainsi que « les résultats de l’étude ne suggèrent pas que la vaccination augmente le risque de grippe, mais plutôt que l’efficacité du vaccin de cette saison pour prévenir la grippe pourrait avoir été limitée chez les professionnels de santé relativement en bonne santé. » Et précise que “des recherches supplémentaires sont nécessaires » car « les chercheurs ignorent pourquoi le vaccin n’a pas été efficace ni pourquoi l’incidence de la grippe était plus élevée chez les employés vaccinés ».

Autre point essentiel : l’étude n’a pas été relue par des pairs, étape cruciale dans la validation scientifique. La plateforme medRxiv indique d’ailleurs clairement que « cet article est une prépublication et n’a pas fait l’objet d’un examen par les pairs. Il fait état de nouvelles recherches médicales qui n’ont pas encore été évaluées et ne devraient donc pas être utilisées pour guider la pratique clinique ».

Le service presse de la Cleveland Clinic confirme : « L’étude n’a pas encore été publiée dans une revue à comité de lecture ». Et medRxiv de rappeler que les travaux hébergés sur son site « ne doivent pas être rapportés dans les médias comme des informations établies ».

Une étude, des limites

L’étude elle-même reconnaît plusieurs limites. Elle ne porte que sur un échantillon très particulier : « Notre étude auprès du personnel de santé n’incluait aucun enfant et peu de sujets âgés, et se composait principalement de personnes en assez bonne santé pour occuper un emploi ».

Or, comme l’indiquent de nombreuses sources spécialisées (Institut Pasteur, Société française de microbiologie, Ameli), la vaccination contre la grippe est surtout préconisée pour les publics susceptibles de développer une forme grave du virus. Soit « les personnes âgées de plus de 65 ans », « les personnes atteintes de pathologies chroniques” ou encore “les nourrissons”.  Le site vaccination-info-service.fr affirme qu’“en moyenne, en France, 2 000 vies par an sont sauvées chaque année chez les personnes de 65 ans et plus grâce à la vaccination. »

Par ailleurs, comme le souligne encore la Cleveland Clinic : « L’étude s’est uniquement concentrée sur les taux d’infection et n’a pas évalué les formes graves de la maladie ni les hospitalisations, que les vaccins ont historiquement démontré réduire ».

Aussi, s’il existe bien un écart entre le personnel soignant vacciné et non-vacciné, celui-ci porte sur un nombre réduit de cas positifs : 2,02% sur un échantillon de 53 000 personnes qui plus est extrêmement exposées en raison de leur activité professionnelle. Difficile dès lors d’en conclure définitivement que la vaccination n’est sans aucun effet ou pire qu’elle aggrave le risque d’infection.

Les spécialistes rappellent également que l’efficacité du vaccin contre la grippe varie d’une année sur l’autre, selon les mutations du virus. Comme le rappelle l’Institut Pasteur : « Les modifications génétiques constantes des virus grippaux imposent d’ajuster chaque année la composition du vaccin pour y introduire les souches les plus récentes en circulation. Si l’efficacité du vaccin dépend avant tout de l’âge et de l’état immunitaire du sujet vacciné, le degré de similitude entre les souches vaccinales et les virus en circulation entre également en ligne de compte. »

Autrement dit, comme le détaille l’OMS sur son site Internet, « l’efficacité des vaccins antigrippaux varie considérablement selon les saisons et les groupes de population ». « Selon la saison et selon les personnes vaccinées, les études estiment l’efficacité de 20 à 80%”, assure pour sa part le site InfoVac. Et de conclure : « Pour un certain nombre de personnes faisant partie d’un groupe à risque, et notamment chez les personnes âgées, la vaccination contre la grippe est moins efficace, mais permet toutefois de réduire la morbidité et la mortalité grippale ».