Crédit : Angela

Ursula von der Leyen veut-elle vraiment “exterminer” le loup, car son poney a été tué ?

Création : 16 octobre 2024

Auteur : Hugo Guguen, juriste

Relecteurs : Vincent Couronne, docteur en droit européen, enseignant à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye

Etienne Merle, journaliste 

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste

Source : Compte Facebook, le 6 octobre 2024

Si un loup est bien responsable de la mort du poney de la présidente de la Commission européenne, une supposée vendetta d’Ursula von der Leyen est loin d’être le seul motif derrière le changement du statut juridique de l’animal. La droite européenne la réclame depuis des années.

L’histoire a tout ce qu’il y a de plus rocambolesque. Sur Europe 1 et sur France Inter, des chroniqueurs ont fait part d’une histoire à peine croyable : le projet d’abaissement de la protection juridique du loup, adopté par le Conseil de l’Union européenne le 25 septembre dernier, n’aurait rien à voir avec la politique, mais à une vendetta d’Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission de l’Union européenne.

À en croire les chroniqueurs, elle serait “prête à tout” pour se venger d’un animal envers qui elle “nourrit une haine féroce”. La raison de cette animosité ? Son poney, Dolly, a été tué par un loup en septembre 2022 : “Allons-nous permettre à la présidente de la Commission d’abuser de son pouvoir pour se venger personnellement parce qu’un de ses poneys a été victime d’un loup ?”, fustigeait en ce sens une députée du Parti pour les animaux néerlandais, le 7 septembre 2023.

Si le statut juridique qui encadre la protection du loup pourrait être revu — d’une protection “stricte” à une protection plus souple — il est néanmoins peu probable que la mort de Dolly soit la seule raison derrière cette décision.

En effet, certains États et élus réclament depuis plusieurs années l’assouplissement du statut protecteur du Canis lupus. En revanche, deux mois après la mort du poney de la présidente de la Commission, le projet a pris un coup d’accélérateur.

Une demande de la droite européenne

Pour comprendre, il faut revenir près de quarante ans en arrière, en 1979. Le loup est alors en très grand danger. Pour le protéger, ainsi que d’autres espèces, le Conseil de l’Europe ratifie la Convention de Berne. S’ensuit la directive Habitats adoptée en 1992.

Ses mesures de protection semblent payer. En 2023, l’UE comptait 20 000 loups répartis dans 23 pays, soit près du double des 11 193 loups recensés dix ans plus tôt. Mais cette augmentation entraîne mécaniquement une hausse des incidents et donc alimente les controverses, notamment auprès des agriculteurs qui réclament un assouplissement des règles de protection.

Certains États, mais aussi des eurodéputés, ont ainsi demandé à l’Union européenne une révision de la protection juridique du loup, bien avant l’attaque sur le poney d’Ursula von der Leyen.

Comme le rappelle le journal Le Monde, en novembre 2012, “le Comité permanent de la Convention de Berne avait rejeté une demande de la Suisse qui souhaitait rétrograder le statut de protection du loup. L’Union européenne s’était aussi prononcée contre la demande helvétique”.

En 2015, le ministre de l’Agriculture socialiste français, Stéphane Le Foll s’était engagé à demander à l’Union européenne et à la Convention de Berne un assouplissement des mesures de protection du loup, mais là encore sans succès.

Huit ans plus tard, nouvelle charge. En janvier 2022, Anne Sander, ancienne députée européenne membre des Républicains, réclame à son tour en commission l’assouplissement de la protection juridique.

Une volonté politique de longue date que constate également Gavin Marfaing, chercheur en droit de l’environnement à l’université Toulouse Capitole : “L’abaissement de la protection juridique du loup est une demande qui est formulée depuis des années”, confirme le spécialiste.

Le grand méchant flou

Difficile dans ces conditions d’affirmer que la seule mort du poney d’Ursula von der Leyen soit responsable de ce changement de statut. Pour autant, cette demande restée lettre morte pendant des années s’est subitement accélérée, deux mois seulement après l’attaque subie par Dolly.

Le 24 novembre 2022, le Parlement européen vote une résolution sur la protection des élevages de bétail et des grands carnivores en Europe invitant “la Commission et les États membres à tout mettre en œuvre pour éviter les souffrances et les dommages causés aux animaux d’élevage”, par des attaques de loups. Objectif : reclasser le statut du loup dans les textes européens, d’une espèce “strictement protégée” à “protégée”.

Cette accélération soudaine pourrait-elle avoir un lien avec la mort de Dolly ou est-ce un simple hasard de calendrier ? La véritable raison de la proposition de la Commission est donc plutôt la position des parlementaires qu’une vendetta personnelle”, fait savoir le service communication de la commission de l’agriculture et du développement rural du Parti populaire européen (PPE).

Ainsi, cette décision, proposée par la Commission de l’Union européenne en décembre 2023 et adoptée par le Conseil en septembre 2024, sera soumise lors de la 44ᵉ réunion du comité permanent de la Convention de Berne prévue en décembre prochain.

La mesure devra alors être adoptée par les deux tiers des parties contractantes, mais également l’Union européenne.

 

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