Non, Ursula von der Leyen n’a pas les “commandes” de l’accord avec le Mercosur
Autrice : Etienne Merle, journaliste
Relecteurs : Vincent Couronne, docteur en droit européen, enseignant à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand journaliste
Source : Compte Instagram, le 28 novembre 2024
Si la présidente peut signer de sa main l’alliance commerciale entre l’Union européenne et plusieurs pays d’Amérique de Sud, ce n’est pourtant pas elle qui décide de sa ratification, mais les États européens et les eurodéputés.
C’est un recadrage en règle. Le président brésilien, Luiz Inácio Lula da Silva, a interpelé les autorités françaises, au sujet du traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur.
En réponse aux tentatives de la France de faire échouer cet accord, notamment par un vote symbolique à l’Assemblée nationale, le président socialiste brésilien a rappelé que la décision ne revenait pas à la France : “Ursula von der Leyen a la prérogative pour faire signer cet accord et j’ai l’intention de le signer d’ici à la fin de l’année”, a-t-il lancé lors d’un colloque concernant l’industrie à Brasilia, rapporte l’AFP.
Cette déclaration va faire l’objet de plusieurs articles dans la presse française, avec, parfois, des titres quelque peu trompeurs : “Union européenne : Lula rappelle à Paris que c’est Ursula von der Leyen “qui décide” pour l’accord Mercosur”, écrit, par exemple, le journal 20minutes. Une tournure de phrase qui a pu induire en erreur certains lecteurs. “C’est malheureusement [Ursula, ndlr] Von der Leyen qui a les commandes du Mercosur”, commente un internaute sur Facebook.
En réalité, dans son discours, le président brésilien n’a jamais dit qu’Ursula von der Leyen décidait au sujet du traité de libre-échange, mais a bien précisé qu’il s’agissait de la Commission européenne.
Et il a raison. Car si Ursula von der Leyen a bien les prérogatives pour signer l’alliance économique controversée, elle ne fera qu’avaliser une décision des États membres et des parlementaires européens.
Compétence exclusive de l’UE
Comme nous l’avons rappelé en novembre dernier, en matière d’accords commerciaux, l’Union européenne est exclusivement compétente. Cela signifie que les États membres ne peuvent pas agir en dehors de ce que décident les institutions de l’Union puisque c’est principalement elle qui règlemente l’organisation du commerce à l’intérieur de son territoire.
Pour autant, cela ne veut pas dire que les États n’ont pas voix au chapitre ou qu’Ursula von der Leyen peut décider de ratifier, seule, le traité.
Pour pouvoir négocier un tel accord, la Commission européenne a besoin d’un mandat du Conseil de l’Union européenne. Or, au sein de ce Conseil siègent les ministres des 27 États membres, dont la France. Ce mandat a été donné à l’exécutif européen à la fin des années 90.
“Les États membres de l’Union européenne ne sont pas absents des négociations et de l’issue du traité entre l’Union européenne et le Mercosur, puisque ce sont les États, au sein du Conseil, qui fixent le cadre de négociation dans lequel ils autorisent la Commission à agir, c’est le mandat qu’ils lui confient”, détaille Vincent Couronne, docteur en droit européen, enseignant à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye et directeur général des Surligneurs. “Et d’autre part, à la fin, ce sont bien les États membres [représentés par] le Conseil qui vont devoir approuver l’issue des négociations et donc, le traité”.
La majorité décide
Si la Commission européenne aboutit à un accord avec le Mercosur, il reviendrait à nouveau au Conseil de se prononcer pour autoriser la signature de l’accord, voire autoriser une application provisoire avant l’entrée en vigueur (article 218 paragraphe 5 TFUE). Sans autorisation du Conseil de l’Union européenne, pas de signature de la présidente de la Commission.
Et le texte devra ensuite être également soumis pour approbation aux votes des parlementaires européens. Là encore, sans un vote à la majorité, Ursula von der Leyen ne peut signer l’accord avec les pays d’Amérique du Sud.
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