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Une école de l'UNRWA transformée en abri à Deir el-Balah, dans la bande de Gaza. Photo : UNRWA Photo par Ashraf Amra

UNRWA et Hamas : que disent les enquêtes sur une possible collusion ?

Création : 14 novembre 2025

Autrice : Clara Robert-Motta, journaliste

Relecteur : Etienne Merle, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Clara Robert-Motta, journaliste

Source : Compte X, le 10 novembre 2025

Sur Franceinfo, Manuel Bompard a contesté l’affirmation selon laquelle l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) serait « accusée de collusion avec le Hamas ». En ligne, certains lui répliquent que des employés de l’UNRWA auraient participé au pogrome du 7 octobre. Alors, qui dit vrai ?

Quelques jours après la victoire de Zohran Mamdani à la mairie de New York City, Manuel Bompard a été invité dans l’émission dominicale de Franceinfo, Questions politiques, le 9 novembre 2025. Interrogé au sujet du fraîchement élu états-unien, le coordinateur de La France Insoumise s’est insurgé de contrevérités qu’auraient énoncées la journaliste qui lui posait des questions.

Alors que Manuel Bompard disait soutenir la candidature de Zohran Mamdani, dont il estime que le programme est proche de celui de son propre parti, la journaliste l’interroge sur le fait que le nouveau maire de New York soit « ouvertement propalestinien » en lui attribuant des actions : le maire élu de NYC aurait repris en son temps le slogan « mondialiser l’intifada » et il botterait en touche quand on lui demande de condamner les attaques du 7 octobre. 

« Il y a trois fausses informations dans ce que vous venez de dire », lui répond Manuel Bompard en réfutant (à raison) les allégations faites à Zohran Mamdani (RadioFrance a également publié un communiqué de la médiatrice pour reconnaître des erreurs factuelles). 

Dans une nouvelle question, la journaliste, Alix Bouilhaguet, enchaîne : « Alors, une information exacte, il [Zohran Mamdani, ndlr] lève des fonds pour l’UNRWA, c’est une agence onusienne qui est accusée de collusion avec le Hamas, ça c’est pas un problème non plus ?« 

Manuel Bompard lui rétorque : « Il y a une enquête de l’ONU qui a été faite sur cette soi-disant collusion avec le Hamas, quelles ont été les conclusions de cette enquête ? C’est qu’il n’y avait aucune collusion avec le Hamas. »

Sur les réseaux sociaux, Factuel, s’est fendu d’un tweet pour dénoncer ce qu’il estime être un mensonge. « SOS : Lombard (LFI) ment en utilisant une infâme réthorique (sic). Il prétend que l’UNRWA a été ‘blanchie’ par une enquête internationale. C’est faux. Les conclusions sont claires : 9 employés de l’UNRWA ont participé au pogrome du 7 octobre. »

Cette information n’est ni exacte ni factuelle.

Une agence de l’ONU dédiée aux réfugiés de Palestine

L’UNRWA est l’office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, qui existe depuis 1949. Pour son financement, l’UNRWA dépend majoritairement des contributions volontaires des États membres des Nations Unies (dont la France, par exemple, qui a financé à hauteur de 42,6 millions de dollars en 2024). 

Pour compléter ces fonds, l’UNRWA organise également des marches de solidarités, les Gaza 5K, durant lesquelles les donneurs lèvent des fonds privés et participent à des courses qui ont lieu dans différentes villes aux États-Unis. Zohran Mamdani, alors candidat à la mairie, a participé à l’une d’elles à NYC, le 12 octobre 2025, comme en témoigne une photo sur son compte Instagram.

Maintenant, l’UNRWA est-elle vraiment accusée de « collusion avec le Hamas », comme le dit la journaliste de franceinfo ? L’agence onusienne a bien été pointée du doigt par le gouvernement israélien au début de l’année 2024. Le 30 janvier 2024, Eylon Levy, le porte-parole du gouvernement israélien, avait affirmé que « dix pour cent des 12 000 employés de l’UNRWA dans la bande de Gaza sont des agents du Hamas ou du Jihad islamique », en citant un document établi par les services secrets israéliens, rapporte Le Monde Diplomatique.

Des accusations auxquelles il n’y a pas de preuves associées

Reprise partout dans la presse, cette accusation ne s’accompagnait en revanche d’aucune preuve matérielle. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, avait réclamé une enquête au bureau d’investigation interne de l’agence, la BSCI. 

Le rapport, rendu en août, s’était intéressé à 19 membres de l’UNRWA dans la zone dont les contrats avaient été rompus dès le mois de janvier pour la majorité par mesure de prudence, avait expliqué Philippe Lazzarini, commissaire général de l’UNRWA. 

Dans un cas, aucune preuve n’a été obtenue par la BSCI en faveur d’une implication dans les attaques du 7 octobre ; dans neuf cas les preuves étaient « insuffisantes » ; et dans neuf autres cas, « les preuves – si authentifiées et corroborées – pourraient indiquer que les membres de l’équipe pourraient avoir été impliquées dans les attaques du 7 octobre ».

Philippe Lazzarini a déclaré :  « J’ai décidé que ces neuf membres du personnel ne pouvaient pas travailler pour l’UNRWA. Tous les contrats de ces membres du personnel seront résiliés dans l’intérêt de l’Agence. »

Lors de l’annonce de la finalisation du rapport (confidentiel), le porte-parole de l’ONU, Farhan Haq, avait noté la transmission de potentielles informations de la part d’Israël : « Les informations utilisées par les responsables israéliens pour étayer ces allégations étant restées sous la garde des autorités israéliennes, le BSCI n’a pas été en mesure de vérifier de manière indépendante la plupart des informations qui lui ont été fournies. »

Une enquête indépendante et une décision de la CIJ

Outre l’enquête interne de l’ONU, un groupe indépendant avait réalisé son propre rapport, mené par Catherine Colonna, ancienne ministre des Affaires étrangères de la France, en collaboration avec l’Institut Raoul Wallenberg, en Suède, l’Institut Christian Michelsen, en Norvège et l’Institut pour les droits de l’homme au Danemark. Les conclusions rendues un peu plus tôt, en avril 2024, avaient également souligné l’absence de preuves fournies par Israël pour lancer ces accusations, notant que cela ne veut pas dire qu’il n’existe aucune preuve. En tout cas, elles n’ont pas été apportées.

Le rapport rappelle aussi que la liste des 32 000 employés de l’agence, dont 13 000 à Gaza, était déjà « soumise à intervalles réguliers aux autorités israéliennes ainsi que, à la demande, à celles de Washington », écrit Le Temps. Or, depuis 2011, les autorités israéliennes n’auraient pas informé l’UNRWA de problèmes concernant ses équipes.

En revanche, en conclusion du rapport, Catherine Colonna souligne que l’UNRWA est « irremplaçable et indispensable au développement humain et économique des Palestiniens ».

Le lobby pro-israélien, UN Watch, estimait quant à lui qu’il s’agissait d’un « blanchiment complet, ignorant les centaines de pages et les milliers de captures d’écran et de vidéos » qu’il prétendait avoir fournis. Une affirmation qui ne sera pas non plus corroborée par d’autres preuves. 

Dans une décision du 22 octobre 2025, la Cour internationale de justice a rendu un avis sur les obligations d’Israël envers les organismes fournissant une aide aux Palestiniens à Gaza dans lequel elle a conclu qu’Israël « n’a pas étayé ses allégations selon lesquelles une partie importante des employés de l’Unrwa seraient des membres du Hamas […] ou d’autres factions terroristes », a déclaré le président de la CIJ, Yuji Iwasawa.

 

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