Une résolution de l’ONU est-elle à l’origine de la création de l’État d’Israël comme l’aurait affirmé Emmanuel Macron ?
Auteur : Hugo Guguen, juriste
Relecteur : Etienne Merle, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste
Source : Public Sénat, le 17 octobre 2024
Si une résolution de l’ONU a joué un rôle dans la reconnaissance d’Israël, d’autres facteurs ont permis de légitimer l’État hébreu. Notamment la guerre.
La phrase a créé la polémique. Le 15 octobre dernier, en plein Conseil des ministres, Emmanuel Macron se serait agacé contre le président israélien. Selon des propos rapportés dans la presse, il aurait lancé à ses ministres : “Monsieur Netanyahou ne doit pas oublier que son pays a été créé par une décision de l’ONU”.
Furieux, le Premier ministre israélien a envoyé une réponse cinglante au président français, dans un communiqué : “Ce n’est pas la résolution de l’ONU qui a établi l’État d’Israël, mais plutôt la victoire obtenue dans la guerre d’indépendance”. Face au tollé, le président a rétropédalé, deux jours plus tard, blâmant des propos “mal rapportés”.
Quoi qu’il en soit, la petite phrase soulève une question. À quoi l’État hébreu doit-il son existence ? « À une décision de l’ONU », comme a pu l’avancer le président de la République, ou à sa « victoire dans la guerre d’indépendance », comme le soutient Benyamin Netanyahou ?
Un plan onusien qui vole en éclat
Pour comprendre, il est nécessaire de faire un saut dans le temps. Dans ses propos, le président français fait référence à la résolution 181 de l’ONU, adoptée le 29 novembre 1947, prévoyant le partage de la Palestine.
Le territoire, jusque-là administré par la Grande-Bretagne, devait selon la résolution onusienne être partagé en deux États : un État juif et un État arabe.
La ville de Jérusalem, quant à elle, devait être administrée par les Nations unies. Le plan de partage de l’ONU détaille également les mesures à prendre pour l’indépendance des deux États nouvellement créés dans des domaines comme la citoyenneté, le droit de transit ou l’union économique.
Bien qu’adoptée par 33 voix, dont les États-Unis et l’URSS, cette résolution des Nations Unies vole très vite en éclat. Le plan de partage est en effet immédiatement refusé par les États arabes, les États musulmans et les représentants des Arabes de Palestine. Faute d’accord entre les pays, le plan de partage ne sera jamais appliqué.
En revanche, il sera source de légitimité pour Israël. En effet, le 14 mai 1948, le mandat britannique prend fin et la création de l’État d’Israël et son indépendance sont proclamées par David Ben Gourion.
Le président du Conseil national juif et futur Premier ministre prononce alors ces mots : « Nous sommes solennellement réunis, nous, les membres de l’assemblée du peuple, représentants des juifs de Palestine et du mouvement sioniste, en ce jour de la cessation du mandat britannique. En vertu de nos droits naturels et historiques et de la résolution des Nations unies, nous proclamons la création d’un État juif sur la terre d’Israël. »
Le lendemain, les États arabes voisins, qui contestaient la création de l’État, déclarent la guerre à Israël. Le premier conflit israélo-arabe commence. Il s’agit de la « guerre d’indépendance » à laquelle Benyamin Netanyahou fait référence.
Cette dernière aura pour conséquence la conquête par Israël de la moitié du territoire assigné par l’ONU à l’État arabe. En effet, Israël finit par occuper près de 80 % de l’ancienne Palestine mandataire et provoque l’exode de 750 000 Arabes de Palestine. C’est ce que les Palestiniens appellent la « Nakba« [catastrophe en arabe, ndlr].
Un État né par la force
Si la résolution de l’ONU a permis d’asseoir une certaine légitimité à la création d’un État hébreu, François Dubuisson, professeur de droit international et chercheur au Centre de droit international à l’université Libre de Bruxelles, estime que “les choses n’étaient pas toutes tracées. Si l’État avait perdu sa guerre d’indépendance, il serait mort-né”, estime-t-il.
“C’est par la déclaration d’indépendance et la force sur le terrain qu’Israël a été créé et a pu imposer sa souveraineté effective”, avance même le spécialiste.
Une fois sorti vainqueur du conflit, Israël s’impose de fait comme un État et remplit les conditions exigées en droit international pour être considéré comme tel : “C’est-à-dire, disposer d’un gouvernement exerçant effectivement sa souveraineté sur un territoire donné”, précise le professeur.
Ainsi, selon lui, les éléments sur le terrain et la victoire d’Israël dans la première guerre israélo-arabe sont “étroitement liés” à sa création. Pour cette raison, le professeur estime que les propos du président de la République méritent d’être nuancés : « les Nations Unies n’ont pas créé l’État d’Israël, mais ont accompagné l’accomplissement de ce dernier ».
Il faut dire que la constitution d’un État ne se fait pas en un jour. Dans sa déclaration d’indépendance, l’État hébreu fait aussi référence à ce qu’elle considère comme une légitimité historique, en s’appuyant sur la déclaration de Balfour de 1917.
Cette lettre envoyée par Arthur Balfour, ministre britannique des Affaires étrangères, souligne l’accord du gouvernement britannique de l’époque, qui contrôlait le territoire palestinien, de permettre la création d’un “foyer national pour le peuple juif”.
Elle est parfois considérée comme la pierre angulaire de l’Israël moderne. En effet, selon François Dubuisson cette lettre permet “la mise en œuvre du mouvement sioniste en Palestine à des fins étatiques”.
« La fondation d’Israël s’inscrit aussi dans un socle légal qui remonte au mandat de la Société des nations (SDN) qui, en 1923 confiait au Royaume-Uni la mission de créer un foyer national juif en Palestine », appuie chez nos confrères de BFM TV, l’historienne spécialiste d’Israël et des relations internationales, Frédérique Schillo.
Quelques décennies plus tard, les Nations Unies suivront d’ailleurs les pas de la SDN, son prédécesseur. Le 11 mai 1949, elles finalisent la reconnaissance internationale de l’État d’Israël, en l’admettant au sein de l’ONU.
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