Une « loi d’exception » pour interdire les manifestations lors de grands évènements: qu’est-ce qu’une « loi d’exception »?
Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public
Relecteur : Bertrand-Léo Combrade, professeur de droit public, Université de Poitiers
Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Secrétariat de rédaction : Héreng Loïc
Les lois d’exception sont des normes qui dérogent exceptionnellement et temporairement au droit en vigueur, en en écartant l’application. Elles ne ciblent qu’un sujet particulier et n’ont pas vocation à s’intégrer durablement. En principe…
Après les sifflements et huées dont Emmanuel Macron a été la cible lors de son allocution d’ouverture de la Coupe du monde de rugby, le député Karl Olive a proposé des « lois d’exception » pour interdire les manifestations lors de grands événements sportifs. Petite explication de ce que sont ces lois assez particulières.
Les « lois d’exception » ne sont jamais que des lois votées par le Parlement dans des conditions de procédure tout à fait normales. Leur particularité se situe sur le fond. Elles mettent en place une règle qui déroge très largement au droit en vigueur sans le modifier ou peu : elles en écartent provisoirement l’application. Il arrive en effet que les circonstances impliquent des actions de l’autorité, totalement incompatibles avec de nombreuses règles de droit en vigueur. Dans ce cas, plutôt que réécrire des pans entiers de codes et de lois, le Parlement vote des lois d’exceptions qui dérogent de façon globale à toutes les règles contraires. Il existe toutefois des limites : ces lois doivent être temporaires et cibler un domaine particulier.
Exemples de lois d’exception
Par exemple, une loi d’exception a été adoptée le 26 mars 2018 pour faciliter l’organisation des Jeux Olympiques de 2024. La loi a adapté les règles d’urbanisme et les contraintes environnementales pour accélérer la construction et la livraison des infrastructures pour les Jeux. Les règles de consultation du public ont été simplifiées, ainsi que les procédures de modification des documents d’urbanisme. Ces dérogations ne s’appliquent que pour le cas des JO, elles n’ont pas vocation à se pérenniser ni à entrer dans le droit commun.
En 2020 a été adoptée la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19. L’État d’urgence sanitaire créé à cette occasion permettait au Premier ministre de prendre par décret des mesures relevant normalement du domaine de la loi, entre autres dispositions exceptionnelles.
Un dernier exemple est celui de la loi du 25 juillet 2023, qui facilite la reconstruction des bâtiments dégradés lors des émeutes de cet été. Elle permet de déroger à certaines règles d’urbanisme pour reconstruire, et elle simplifie les règles concernant les marchés publics pour accélérer leurs passations.
On le voit, les lois d’exception entravent souvent des libertés, et cela doit rester provisoire… en principe.
Un risque de pérennisation
Bien que les lois d’exception soient considérées comme temporaires pour régler des situations particulières, certaines de ces lois sont en vigueur depuis plusieurs décennies. C’est le cas de la loi du 31 décembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et à la répression du trafic et de l’usage illicite de substances vénéneuses. Cette loi, instrument de la “guerre” contre la drogue, sanctionne les personnes qui consomment des stupéfiants dans la sphère privée, alors même que cela va à l’encontre du droit au respect à la vie privée. Elle devait rester en vigueur le temps d’éradiquer le trafic de drogue. Elle est aujourd’hui toujours en vigueur, plus d’un demi-siècle après son adoption.
De même, certains dispositifs issus de la loi créant l’Etat d’urgence sanitaire du 23 mars 2020 ont été intégrés dans le droit commun après que cette loi ait été abrogée. C’est le cas de la possibilité de mise en quarantaine ou en isolement.
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