Un tweet devenu viral : « L’Italie vient de décider de NE PAS respecter cette folie européenne d’interdire les voitures thermiques en 2035. La brèche est ouverte, d’autres vont suivre. »

Création : 9 janvier 2023
Dernière modification : 4 juin 2023

Autrice : Clotilde Jegousse, rédactrice  

Relecteur : Vincent Couronne, docteur en droit européen, chercheur associé au centre de recherches VIP, Université Paris-Saclay 

Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay

Secrétariat de rédaction : Héreng Loïc et Emma Cacciamani



Source : Tweet, 16 décembre 2022

Le projet de règlement en question interdit la vente de véhicules neufs émettant du CO2, dès en 2035. Cela ne concerne pas ceux déjà en usage, comme veut le croire l’auteur de ce tweet. En tout état de cause, un État membre de l’Union européenne ne peut pas décider de ne pas appliquer un règlement européen. Et d’ailleurs, le gouvernement italien n’a rien dit de tel.

Il faut d’abord rétablir les faits : le 27 octobre dernier, le Conseil de l’Union européenne – qui réunit les représentants des États – et le Parlement européen – directement élu par les citoyens européens – n’ont pas décidé d’interdire les véhicules thermiques en Europe en 2035, mais la vente de véhicules neufs émetteurs de CO2. Ensuite, l’Italie, qui ne s’est pas formellement prononcée, n’aura pas d’autre choix que de respecter le nouveau règlement européen.

Que prévoit exactement le projet de règlement que l’Italie entendrait ne pas respecter selon le tweet ?

Ce texte, qui n’est pour le moment qu’un accord entre le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne, doit encore être formellement adopté. Il prévoit l’interdiction de la vente des véhicules essence et diesel neufs dans l’Union européenne dès 2035, au profit des véhicules non émetteurs de CO2. Les voitures à moteur thermique déjà en circulation ne seront donc pas interdites, et pourront toujours être sorties du garage après cette date. Des modèles neufs pourront même être produits, mais seulement pour être exportés hors de l’Union. Seule exception : les constructeurs automobiles de luxe. Ceux qui produisent moins de 1 000 véhicules par an ne seront pas touchés, et ceux qui en produisent moins de 10 000 auront, eux, jusqu’en 2036 pour réaliser leur transition électrique.

Les objectifs fixés par le texte pourront néanmoins être adaptés. La France, par l’intermédiaire de son ministre des Transports, Clément Beaune, a défendu une « clause de revoyure » en 2026. Celle-ci permettra de prendre en compte les avancées technologiques réalisées d’ici là, et d’inclure, pourquoi pas, les e-carburants.

L’Italie ne peut pas « décider de ne pas respecter cette folie européenne »

Sur la toile, c’est l’argument phare de certains internautes opposés à ce projet de règlement : « L’Italie a pris une décision de bon sens en refusant l’interdiction européenne »

En réalité, il n’en est rien, au moins en droit. Si la Première ministre italienne, Giorgia Meloni, a jugé au mois de décembre que l’échéance n’était « pas raisonnable », l’Italie n’a pas déclaré qu’elle refuserait de respecter le règlement. Elle n’en a d’ailleurs pas le droit. 

Il existe – Les Surligneurs le martèlent régulièrement – un principe de primauté du droit de l’Union. La Cour de justice de l’Union européenne l’a consacré en 1964 : les règles de l’Union européenne priment sur les droits nationaux, qui se doivent d’être conformes à celles-ci. Si elle adoptait une loi contraire au règlement, l’Italie s’exposerait donc à de fortes pénalités financières infligées par l’Union.

C’est d’autant plus vrai que les règlements européens sont d’applicabilité directe. Ils n’ont pas besoin d’être transposés dans le droit national pour s’appliquer. Les constructeurs automobiles italiens devront donc s’y conformer dès que celui-ci entrera en vigueur après avoir été publié au journal officiel de l’Union européenne. Et cela, sans que l’Italie n’ait son mot à dire. Le texte législatif, une fois adopté par les députés européens et une majorité d’États membres, s’appliquera sur tout le territoire de l’Union.

Le dernier mot reviendra au juge italien

L’applicabilité directe permet également aux individus de se prévaloir d’un règlement européen directement devant le juge de leur propre État. Si l’Italie votait une loi nationale autorisant la vente de voitures neuves émettant du CO2 malgré ce règlement européen, le juge italien ne pourrait pas l’appliquer, et tout producteur tentant de vendre des véhicules émetteurs après 2035 serait en infraction.

Dans ce cas précis, si certains constructeurs italiens font la sourde oreille, on imagine aisément que leurs concurrents saisiront les tribunaux nationaux, et que les fauteurs seront condamnés. Donc même si l’État italien voulait empêcher l’application de cette interdiction, il ne le pourrait pas réellement.


Le 4 juin 2023 : Modification du nom de la source dans le cadre du respect de l’article 3.2.B du Code européen de fact-checking.

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