Crédit : Franck Sabattier (CC 4.0)

Est-ce que près d’une personne trans sur deux est atteinte d’autisme, comme l’affirme Didier Raoult ? 

Création : 30 septembre 2024

Auteur : Clément François, journaliste

Relecteur : Etienne Merle, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste

Source : Compte Facebook, le 17 septembre 2024

Didier Raoult, l’infectiologue sulfureux de la période Covid, affirme qu’il y a une plus grande proportion de gens atteints d’autisme chez les personnes transgenres. Pourtant, les études révèlent des chiffres bien moins élevés que ceux avancés par le professeur.

Si le Covid a presque disparu, l’infectiologue controversé, Didier Raoult, continue de faire parler de lui. Le professeur apparaît de temps à autre pour donner des interviews sur des sujets de santé publique, qui sont ensuite republiées abondamment par des internautes, comme ici sur Facebook.

Dans cet extrait, Didier Raoult est l’invité de l’émission “Les Incorrectibles”, présentée par Éric Morillot et diffusée sur sa chaîne YouTube. L’animateur est un ancien journaliste de CNews et Sud Radio, et organise désormais toutes les semaines des discussions avec des personnalités majoritairement d’extrême droite, comme Bruno Gollnisch, Sarah Knafo ou Florian Philippot.

Dans la deuxième émission qui lui est consacrée, Didier Raoult évoque notamment la question de la transidentité. Il indique dans un premier temps que les personnes transgenres ont une espérance de vie plus faible que la population générale. Puis, il affirme que cette communauté serait composée de personnes atteintes de troubles :entre 40 % et 50 % d’autistes, détaille-t-il. Les Surligneurs ont décidé de vérifier.

Prudence sur les études

Tout d’abord, rappelons qu’il existe des études statistiques qui montrent que l’espérance de vie des personnes trans est plus faible que celle de la population générale, comme le soutient l’infectiologue.

C’est le cas notamment d’une étude néerlandaise de 2021, publiée dans le journal scientifique “The Lancet”, qui s’intéresse à la mortalité de personnes trans ayant reçu des traitements hormonaux sur les cinquante dernières années.

On observe que ces personnes ont des taux de mortalité plus élevés. Ces décès prématurés sont liés, selon l’étude, à des cas de cancer du poumon, de maladies cardiovasculaires, de maladies liées au VIH ou de suicides. Rien n’indique un lien avec les traitements hormonaux.

Mais pour le docteur Jean Chambry, psychiatre pour enfants et adolescents travaillant avec l’association Trans Santé France, ces études sont à prendre avec prudence. Les personnes trans rencontrées dans des établissements spécialisés ou en hôpital psychiatrique ne représentent pas l’ensemble de la population trans. Ce sont des personnes qui vont avoir plus de troubles que la moyenne parce qu’elles viennent dans ces programmes pour se faire aider.”

Des chiffres faux

Sur ce premier point, les affirmations du professeur Raoult ne sont pas fausses, mais doivent être nuancées. En revanche, la suite de l’entretien est beaucoup moins factuelle et en particulier lorsqu’il affirme que près d’une personne trans sur deux, est atteinte du trouble de l’autisme.

Son estimation trouve sa source dans une étude étasunienne publiée en mars 2024, où l’on a observé, sur un panel de 100  jeunes de 5 à 18 ans, qu’ « environ la moitié des jeunes TGD [transgenre et diversité de genre, ndlr] ont reçu un diagnostic d’autisme ». Premier problème, l’échantillon utilisé est faible et ne permet pas de dégager une statistique certaine. Ensuite, l’étude concerne les mineurs, il est donc impossible de transposer ce chiffre à l’ensemble de la population trans, comme le fait Didier Raoult.

D’autant que d’autres travaux proposent des conclusions bien différentes que celles des chercheurs étasuniens. C’est le cas de cette étude, publiée en 2010, qui évoque un chiffre de 7,8 %. Bien loin des conclusions de l’étude étasunienne.

Concernant la population trans générale, un travail, qui compile 25 études différentes à travers le monde et 8 662 participants, fait état de 11 % d’autistes dans le panel de personnes trans observées. Bien en dessous donc du nombre avancé par Didier Raoult.

En revanche, pour le psychiatre Jean Chambry, il faut être prudent quant à ces statistiques, même si une tendance semble se dégager : Dans la population globale, il y a environ 1 % de personnes qui souffrent de TSA (troubles du spectre de l’autisme), pour les personnes trans, on est entre 5 et 10 %.” Bien loin des 50 % évoqués par le professeur Didier Raoult.

Reste désormais à comprendre ces statistiques. Si aucune étude sérieuse ne saurait expliquer cette prévalence de l’autisme chez les personnes trans, des hypothèses peuvent nous donner des débuts de réponses.

Pour Anaïs Perrin-Prevelle, directrice de l’association OUTrans, l’autisme peut amener des personnes vers la remise en cause des normes de genre : Les personnes autistes sont moins sensibles aux implicites sociaux, aux codes que nous nous imposons et sont potentiellement plus libres de penser le genre en dehors de ce que la société nous enseigne.

 

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