Un territoire, deux revendications : l’équation impossible à Mayotte ?
Autrice : Fleur Dargent, maître de conférences en droit public, Centre Universitaire de Mayotte
Liens d’intérêts : aucun
Fonctions politiques ou similaires : aucune
Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Liens d’intérêts : aucun
Fonctions politiques ou similaires : aucune
Secrétariat de rédaction : Emma Cacciamani
Mayotte fait partie géographiquement de l’archipel de Comores, et pourtant elle avait refusé l’indépendance lors du référendum de 1974, restant française. Les Comores revendiquent cette île, ce réfute France au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Reste que le droit international donne raison aux Comores…
“En 2019, lorsque le président Macron m’avait reçu, il avait déclaré en conférence de presse que Mayotte était française. Ce à quoi j’avais répondu qu’elle était comorienne” a affirmé le président comorien début mai 2023, à propos de ce petit territoire de 374 km². Mayotte, île française depuis 1841, est un département au sens de l’article 73 de la Constitution française. Dans le même temps, la Constitution comorienne énonce que le territoire des Comores est composé de Grande-Comore, d’Anjouan, de Mohéli et de Mayotte.
L’île qui avait dit “non” à l’indépendance
Pourquoi cet antagonisme ? D’un point de vue purement géographique, Mayotte se situe bien dans l’archipel des Comores composé de quatre îles principales. D’un point de vue historique, Mayotte a été la première île à devenir française en 1841, suivie en 1886 des trois autres. L’ensemble est devenu un “Territoire d’Outre-mer” dans le cadre de l’Union française en 1946 puis de la Communauté française sous la Cinquième République en 1958. D’un point de vue politique enfin, c’est à partir du référendum du 22 décembre 1974 que la situation s’est tendue : à la question “Souhaitez-vous que le territoire des Comores soit indépendant”, trois îles ont répondu “oui” à plus de 94 %, tandis qu’à Mayotte c’est le “non” qui l’a emporté à 63,82 %.
Dès lors, deux solutions se présentaient. Soit considérer les résultats du référendum d’un point de vue global et reconnaître l’indépendance de l’ensemble de l’archipel, sans tenir compte du souhait des électeurs mahorais de demeurer une composante de la République française. Soit dissocier les îles de l’archipel pour leur accorder un statut différent selon les résultats du référendum. C’est ce dernier choix qui a été fait par les autorités françaises en 1975, quelques mois après la proclamation unilatérale de l’indépendance des Comores. Par la suite, à l’occasion de deux référendums organisés en 1976, les électeurs mahorais se sont prononcés chaque fois très nettement pour le maintien de Mayotte dans la République puis en faveur de la départementalisation.
Un droit international défavorable à la position française
Depuis, la République des Comores a toujours revendiqué sa souveraineté sur Mayotte sur la scène internationale, notamment auprès de l’ONU, et ses arguments ont été accueillis favorablement. Dès 1975, l’Assemblée générale des Nations-Unies exhortait la France à respecter “l’unité et l’intégrité territoriale de l’Archipel des Comores”. L’année suivante, L’ONU “condamnait énergiquement la présence de la France à Mayotte”.
Pourquoi un tel positionnement des instances internationales ? Parce qu’au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes brandi par les autorités françaises (imposant de tenir compte de la volonté de la population de Mayotte), on pouvait opposer le principe d’intangibilité des frontières qui interdit de séparer les différentes composantes de l’archipel. Depuis 1976, de nombreuses résolutions ont condamné la présence française à Mayotte, bien qu’au fil du temps, la désapprobation internationale semble moins forte et plus nuancée qu’auparavant.
Un casse-tête insoluble ?
Les tensions entre la France et les Comores perdurent cependant malgré le maintien du dialogue. Elles sont souvent ravivées par la réaction française à la pression migratoire. L’opération Wuambushu, en cours à Mayotte depuis le 24 avril 2023, visant à la destruction de l’habitat illégal et précaire très présent sur le territoire et à l’expulsion de plusieurs milliers de ressortissants comoriens a exacerbé les ressentiments au sein de la population. Partageant une histoire, des mœurs et des attaches familiales communes, mahorais et comoriens de Mayotte vivent aujourd’hui à la fois dos à dos et côte à côte. Le développement économique de l’île dans un environnement géographique très pauvre suscite l’envie des ressortissants des Etats voisins et dépasse aujourd’hui la “simple” question des revendications territoriales entre la France et les Comores.
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