Un maire, candidat à sa réélection, peut-il faire des cadeaux à sa population pour Noël ?
Dernière modification : 23 décembre 2024
Auteurs : Justine Coulier et Nicolas Grojnowski, étudiants à Sciences Po Saint-Germain
Relecteurs : Camille Morio, maîtresse de conférences en droit public à Sciences Po Saint-Germain et Romain Rambaud, professeur de droit public à l’Université Grenoble Alpes
Un maire peut, si les finances de la commune le permettent, prendre des mesures de pouvoir d’achat à destination des habitants. Mais ces mesures ne doivent pas être prises lors de la période précédent une élection, le code électoral l’interdit.
En décembre 2019, Thierry Fourcassier, candidat (LR) à sa réélection à la mairie de Saint-Jory (Haute-Garonne) en 2020, a posé la question suivante à ses 5797 administrés dans le bulletin de la mairie : « souhaitez-vous un bon d’achat de 50€ ou une baisse des impôts municipaux de 10% ? » Un geste qui se veut généreux à l’approche des fêtes de fin d’année, rendu possible selon le maire par la baisse du niveau d’endettement de la municipalité. Il avait déjà mis en œuvre cette proposition l’année précédente, mais elle est illégale en cette période de campagne électorale.
Le code électoral (art. L 106) interdit d’influer ou de tenter d’influer sur le vote des électeurs par des « dons ou libéralités en argent ou en nature » ou « par des promesses de libéralités, de faveurs ». Une disposition qui s’applique ici aux promesses de bon d’achat et de réductions d’impôts, qui constituent des promesses de libéralités ou de faveurs. Un maire avait par exemple été condamné pour avoir aidé ses administrés à payer leurs factures d’eau avant l’élection municipale.
Ici, l’intention d’influencer les électeurs semble établie puisque cette promesse est réalisée en pleine période de campagne officielle, et que le maire tient à la faire connaître le plus largement possible. Pour ce faire, il utilise d’ailleurs le bulletin municipal, méconnaissant au passage l’interdiction de financement des campagnes électorales par une personne morale précisée dans le code électoral (art. L 52-8).
Enfreindre l’article L 106 est puni « de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 15 000 euros ». La peine est double si le coupable est fonctionnaire public, ce qui est le cas de Thierry Fourcassier : il est non seulement maire, ce qui suffit pour voir la peine doubler, mais aussi professeur de physique au collège de Saint-Jory.
L’opposition municipale a déjà saisi le procureur de la République de Toulouse, accusant le maire de fraude électorale. Pour sa défense, le maire de la commune pourrait invoquer une disposition du code électoral qui empêche toute poursuite fondée sur l’article L 106 contre un candidat avant la proclamation du scrutin. Cependant, les poursuites restent possibles sur le fondement de l’article L116 du même code qui punit ceux qui, « par des manœuvres frauduleuses quelconques, auront porté atteinte ou tenté de porter atteinte à la sincérité d’un scrutin », d’une « amende de 15 000 euros et d’un emprisonnement d’un an ». Or le juge a une approche très large de l’article L 116 : il suffit que les manœuvres frauduleuses soient de nature à avoir une incidence sur le scrutin.
Thierry Fourcassier a été réélu à la mairie de Saint-Jory en 2020. Suite à la démission d’une partie du conseil municipal en septembre dernier, de nouvelles élections ont eu lieu en décembre. Il ne s’est pas représenté et n’est donc plus maire de la commune.
[Cet article a été publié le 3 janvier 2020]
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