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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky se rend à une rencontre avec Donald Trump en marge de l’Assemblée générale de l’ONU à New York, le 23 septembre 2025. Photo : Leonardo Munoz / AFP

Un faux reportage accuse sans preuve Volodymyr Zelensky d’avoir détourné 1,2 milliard de dollars

Création : 25 septembre 2025

Auteur : Etienne Merle, journaliste 

Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Etienne Merle, journaliste

Source : Compte Facebook, le 29 août 2025

Une vidéo affirme que le président ukrainien aurait détourné 1,2 milliard pour acquérir des biens de luxe. En réalité, il s’agit d’un faux reportage monté de toutes pièces.

Depuis le début de l’invasion russe en février 2022, Volodymyr Zelensky est devenu l’une des cibles privilégiées de la machine de désinformation. Son rôle de chef de guerre et son image auprès des opinions publiques occidentales en font un adversaire symbolique à affaiblir.

Ces rumeurs prennent des formes multiples : l’achat d’un hôtel de luxe à Courchevel ou d’une voiture ayant appartenu à Hitler, accusation de détournement de l’aide états-unienne ou encore l’achat d’une demeure nazi en Allemagne. Toutes ces allégations ont déjà été démontées par Les Surligneurs et d’autres journaux de lutte contre la désinformation.

Dernière invention en date, une vidéo virale affirmant que Zelensky et ses proches auraient détourné 1,2 milliard de dollars pour financer l’achat de centaines de propriétés de luxe. Mais comme pour les exemples précédents, il s’agit d’une manipulation.

Une fausse source et une fausse journaliste

Plusieurs indices permettent de s’en apercevoir. Tout d’abord, la prétendue source sur laquelle s’appuie la vidéo. Un site internet qui reprend les codes du quotidien britannique The Telegraph. Mais le site s’appelle ici le « London Telegraph ». Plus étrange encore, son nom de domaine a été créé le 14 août 2025, quelques jours seulement avant la diffusion de la vidéo virale.

Par ailleurs, la journaliste censée avoir rédigé l’article s’appellerait « Charlotte Davies ». Le site publie d’ailleurs une photo de la reporter pour accompagner ses « révélations ». Une recherche d’image inversée révèle pourtant que ce portrait correspond à la journaliste britannique Helen Brown, collaboratrice de plusieurs médias reconnus. Contactée par nos confrères de l’AFP, celle-ci a confirmé n’avoir jamais écrit ce texte.

Des preuves truquées

Et à y regarder de près, le « reportage » accumule également les manipulations. Avec l’aide d’une recherche d’image inversée, on retrouve les documents brandis comme preuves de transferts d’argent et d’achats immobiliers dans la vidéo.

S’ils sont bien authentiques, ils sont surtout sortis de leur contexte : ils proviennent en réalité d’une enquête menée par le Bureau du procureur général ukrainien contre un député prorusse soupçonné de trahison. Rien à voir avec Volodymyr Zelensky ni avec les personnalités citées dans la vidéo.

Enfin, l’AFP a relevé que les voix entendues dans la vidéo, notamment celle d’une prétendue lanceuse d’alerte, ne sont pas humaines. Elles présentent toutes les caractéristiques de voix générées par intelligence artificielle, ce qu’ont confirmé des outils spécialisés dans la détection de deepfakes audio.

Guerre informationnelle

Si les informations contenues dans cette vidéo s’effondrent comme un château de cartes, la piste d’une manipulation venue de la Russie se précise. Plusieurs éléments de cette vidéo rappellent les méthodes décrites dans le rapport publié par le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum), sur la campagne Storm-1516 : l’usurpation d’identité visuelle d’un média reconnu, le recours à des voix artificielles et la diffusion rapide via des comptes prorusses.

Ces similitudes laissent penser que la séquence pourrait s’inscrire dans ce type d’opération coordonnée, sans qu’il soit toutefois possible d’en établir la responsabilité de manière définitive.