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Image d'illustration - Supporterhéninois / CC0 1.0 Universal

Un étranger sous OQTF touche-t-il vraiment 2 500 euros afin de quitter le territoire ?

Création : 26 mars 2025

Auteur : Hugo Guguen, juriste

Relecteurs : Nicolas Turcev, journaliste

Clara Robert-Motta, journaliste

Guillaume Baticle, doctorant en droit public, université de Poitiers

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Nicolas Turcev, journaliste

Source : Compte Facebook, le 18 mars 2025

Sur les réseaux sociaux et certains plateaux télévisés, l’idée que toute personne faisant l’objet d’une OQTF peut recevoir une aide financière de 2500 euros et un billet d’avion gratuit provoque l’indignation. Si l’information est en partie vraie, cette aide est juridiquement encadrée.

L’administration française serait-elle trop généreuse avec les étrangers qu’elle expulse de son territoire ? Plusieurs internautes affirment que l’État verserait 2 500 euros et offrirait le billet d’avion aux personnes frappées d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

Cette affirmation s’appuie sur un extrait de l’émission Apolline de 9 à 10 sur BFM TV, diffusée le 18 mars. À la suite d’un échange sur l’expulsion des migrants occupant le théâtre Gaîté-Lyrique, la présentatrice découvre l’aide au retour volontaire proposée aux étrangers en situation irrégulière. « N’importe quelle situation donne le droit à un billet retour gratuit et une aide jusqu’à 2500 euros ? », s’exclame, interloquée, Apolline de Malherbe.

La vidéo est ensuite devenue virale sur les réseaux sociaux, notamment sur Facebook, où de nombreux internautes qualifient cette règlementation de « délire ».

« Mettez tous un commentaire ceux qui ont besoin de 2 500 euros, car l’État donne de l’argent à tout va. Non, non, pas pour vous, vous que dalle, allez galérer c’est pas grave. On a des SDF plein les rues, c’est pas grave. Vaut mieux aider un OQTF à rentrer chez lui. […] Mais qu’est-ce que c’est ce délire ? », s’égosille un utilisateur dans une vidéo qui commente l’extrait de BFM TV.

Si l’aide au retour volontaire (ARV) existe bel et bien, elle est strictement encadrée par la loi et soumise à conditions. Elle n’est pas accordée « à tout va » et le montant maximal de 2 500 euros n’est pas systématiquement donné, contrairement à ce que suggèrent des internautes.

Un dispositif incitatif

L’ARV vise à encourager les étrangers en situation irrégulière à retourner volontairement dans leur pays d’origine, notamment ceux faisant l’objet d’une OQTF, conformément aux articles L711-1 à L711-2 et articles R711-3 à R711-5 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Consacrée par le premier article de l’arrêté du 9 octobre 2023 relatif à l’aide au retour et à la réinsertion, l’aide au retour comprend une assistance administrative et matérielle pour préparer le voyage, la prise en charge des frais de transport ainsi qu’une allocation forfaitaire incitative. Il est obligatoire pour le migrant de retourner dans son pays d’origine pour bénéficier de cette aide.

Son montant est dégressif en fonction du délai écoulé entre la notification de l’OQTF et la demande d’aide. Il est de 1 200 euros si la demande est effectuée dans le mois suivant la notification de l’OQTF, mais seulement de 400 euros après un délai de quatre mois.

L’ARV peut théoriquement atteindre 2 500 euros, mais seulement dans des situations restreintes. Dans certains cas et seulement si le préfet de département le demande (article 1, alinéa 4 de l’arrêté), l’ARV peut être majorée jusqu’à 2 500 euros si la demande est effectuée dans le mois suivant la notification de l’OQTF.

Autrement dit, toutes les personnes frappées d’une OQTF ne touchent pas ce montant maximal, contrairement à ce qu’affirment plusieurs internautes. L’aide au retour volontaire n’est par ailleurs pas disponible si le retour est forcé et organisé par l’administration française.

Les prétendants à l’ARV doivent en faire la demande auprès de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) et remplir les conditions d’éligibilité définies à l’article 3 de l’arrêté de 2023. Le demandeur doit être en situation irrégulière, faire l’objet d’une OQTF, avoir résidé en France depuis au moins trois mois consécutifs et ne doit pas avoir déjà bénéficié de cette aide, celle-ci n’étant accordée qu’une seule fois. Les ressortissants des pays de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen ne sont pas éligibles à l’ARV.

En complément de l’aide au retour, une aide à la réinsertion sociale peut être accordée pour faciliter l’intégration socioprofessionnelle dans le pays d’origine. Cette somme — 400 euros pour une personne isolée, 800 euros pour un couple — peut servir à financer des projets professionnels, tels que la création d’entreprise ou la formation. Là aussi, la demande doit être adressée à l’Ofii, sous réserve d’éligibilité.

L’ARV coûte moins cher qu’un retour forcé 

En 2024, l’Ofii a versé 6 908 aides dans le cadre de retours volontaires, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur. Soit une augmentation de 2,36 % par rapport à 2023.

C’est encore trop peu, selon la Cour des comptes, pour qui l’aide au retour volontaire devrait être privilégiée plutôt que d’avoir recours à de coûteux retours forcés. Dans un rapport de janvier 2024, les magistrats financiers évaluent le coût moyen d’un éloignement forcé à 4 414 euros, auxquels il faut rajouter les frais des journées de rétention, de 602 euros par jour. Soit un montant bien supérieur aux 2 500 euros maximums de l’ARV.

En 2019, la commission des finances de l’Assemblée nationale a, pour sa part, estimé le coût total moyen d’un éloignement forcé à 13 794 euros, contre 2 509 à 3 914 euros pour un retour volontaire aidé.

« Le coût d’un retour forcé sous escorte policière avec placement en centre de rétention administrative est beaucoup plus cher [qu’un retour volontaire] », confirme le directeur de l’Ofii, Didier Leschi, interrogé par InfoMigrants. Le responsable estime que l’ARV est « un très bon dispositif, qui garantit un retour au pays dans de meilleures conditions qu’un retour forcé ».

« La France accuse un retard notable par rapport à ses voisins européens » remarque d’ailleurs la Cour des comptes. 26 545 migrants auraient fait l’objet d’un retour volontaire en Allemagne en 2022, soit plus du triple du contingent français. Plusieurs facteurs sont avancés par les magistrats pour expliquer ce retard, tels que « des paramètres trop rigides en matière de publics éligibles, de montant de l’aide et de durée de séjour en France ».

Pour la Cour des comptes, il convient d’assouplir cette aide afin de la rendre plus attractive, étant donné qu’il s’agit d’une alternative moins coûteuse que le retour forcé : « L’aide au retour volontaire est nettement moins coûteuse qu’un éloignement forcé. »

En résumé, l’aide au retour volontaire n’est pas automatiquement distribuée à toute personne faisant l’objet d’une OQTF. Elle n’atteint pas non plus le montant maximal de 2 500 euros dans tous les cas de figure. Quand bien même le serait-elle, elle reste une alternative nettement moins coûteuse que l’éloignement forcé.