Transports collectifs et élections municipales : qui fait quoi et qui peut promettre quoi ?

Création : 13 mars 2020
Dernière modification : 20 juin 2022

Auteur : Thomas Destailleur, docteur en droit public

L’une des questions qui revient régulièrement durant ces municipales est celle des compétences dont disposeraient le conseil municipal et le maire pour mettre en œuvre leurs promesses de campagne en matière de transports. Si la commune est le plus souvent compétente en principe, en pratique elle a transféré – volontairement ou du fait de la loi – cette compétence aux intercommunalités. Tentons d’y voir plus clair.

La commune, acteur en principe

Les communes sont compétentes sur leur territoire pour mettre en œuvre des services publics de transport par bus, tramway, métro, fluvial, maritime, et éventuellement par câbles (téléphérique de Brest) ou grands escalators. Elles sont libres de décider des lieux de dessertes, des fréquences journalières, des tarifs (prix réduits pour les étudiants par exemple), et de la qualité des services (nombre de places dans un bus ou encore climatisation). Il existe quelques exceptions : ce sont par exemple les conseils régionaux qui sont en charge des transports ferroviaires régionaux (TER) et du transport scolaire (article L. 1231-3 du code des transports). Quant aux départements, ils n’ont plus de compétence en matière de transports.

Les intercommunalités, acteurs subsidiaires

Les communes peuvent décider de s’associer en créant un établissement public de coopération intercommunal (EPCI) auquel elles transfèrent une ou plusieurs de leurs compétences. En dehors de cas rares dans lesquels la loi a obligé les communes à s’associer (métropole de Lyon), c’est la commune qui décide de participer à un EPCI. Il existe différents types d’EPCI. Le transfert de la compétence transport est soit obligatoire, soit optionnel :

La compétence transport est obligatoirement transférée aux métropoles, communautés d’agglomération, et communautés urbaines (voir les articles du code général des collectivités territoriales en lien). Il en résulte qu’un candidat à la mairie ne peut promettre d’agir sur ces transports, sans préciser qu’en réalité il négociera avec l’intercommunalité pour arriver au résultat promis.

La compétence transport est transférée de manière optionnelle aux communautés de communes et aux syndicats de communes (voir les articles du code général des collectivités territoriales en lien).

Dans la pratique, les communes étant toutes membres d’intercommunalités, il est rare qu’elles aient conservé la compétence transport en dehors des navettes municipales.

L’Île-de-France fonctionne-t-elle différemment ?

En Île-de-France, la loi attribue les compétences en matière de transports à une structure appelée Île-de-France Mobilités (IDFM) (articles L. 1241-1 et suivants du code des transports). IDFM est un établissement public actuellement présidé par la présidente de la région Valérie Pécresse, cette structure est chargée d’organiser les transports par bus, métro, RER, transilien, TER, tramway pour 9,4 millions d’habitants représentant les deux tiers des besoins de transports de la métropole française. Étant donné l’ampleur de ce réseau, IDFM a été créée exclusivement pour les transports collectifs. Il est aussi compétent sur les transports ferroviaires régionaux, alors que dans les autres parties du territoire français ce sont les régions qui s’en occupent. Pour cette raison, il ne reste plus aux communes d’Île-de-France qu’une compétence résiduelle, avec les navettes municipales par exemple.

Si la compétence transports a été transférée à une communauté d’agglomération, une commune pourra-t-elle piétonniser une rue ou mettre à disposition des vélos pour se déplacer ?

Une commune qui a transféré sa compétence transports à l’intercommunalité pourra tout de même développer la mobilité vélo par exemple (sauf si cette compétence a aussi été transférée à l’intercommunalité). Le Velib à Paris est par exemple organisé par Autolib’Vélib’ Métropole et non par Ile-de-France Mobilités. Autolib’Vélib’ Métropole regroupe 103 communes, le Conseil régional Île-de-France, les départements des Hauts de Seine et du Val de Marne, et la métropole du Grand Paris. Ce sont bien ces communes qui cogèrent ce service. À Lille au contraire, le V’Lille est organisé par la métropole européenne de Lille (MEL) (90 communes pour plus d’un million d’habitants) qui détient également les compétences de transports par bus, métro, et tramway.

Par ailleurs, rien n’empêche une commune de réaliser des pistes cyclables sur son territoire. La seule contrainte est qu’elle ne pourra transformer une rue en piste cyclable si cette rue est utilisée par des bus. Par exemple, Rachida Dati veut améliorer la fluidité du trafic à Paris si elle est élue. Elle pourra réaliser ce projet mais sous réserve de ne pas modifier les dessertes de transport par bus mises en place par Île-de-France Mobilités.

Si une commune a transféré ses compétences en matière de transports, quel intérêt d’aller voter en se positionnant sur ces questions ?

Une commune qui a transféré ses compétences en matière de transports ne perd pas sa capacité d’agir sur son territoire. Concrètement, chaque commune a des conseillers qui la représentent dans l’intercommunalité à laquelle elle appartient. Bernadette Cadoux, conseillère municipale de Grenoble est également conseillère de la métropole Grenoble Alpes. Christophe Ferrari, maire de Pont-de-Claix (Isère), est également Président de cette métropole. Un maire, en particulier s’il est maire de la ville-centre de l’intercommunalité, peut donc se faire entendre. Les élections municipales ont donc bien leur importance en matière de transports. Reste que quand un candidat à la mairie s’engage sur les transports, il devrait préciser chaque fois qu’il s’engage à faire pression sur l’intercommunalité. Mais c’est déjà important.

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