“Traitre”, “félon”, “séditieux” : Simone Veil a-t-elle vraiment insulté François Bayrou par le passé ?
Auteur : Etienne Merle, journaliste
Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste
Source : Compte Instagram, le 12 décembre 2024
Selon une image diffusée sur les réseaux sociaux, l’ancienne femme politique aurait tenu des propos particulièrement négatifs à propos du nouveau premier ministre François Bayrou. Mais ces insultes viennent en réalité d’une vieille tribune satirique.
Simone Veil avait-elle un profond mépris pour le nouveau premier ministre, François Bayrou ? À en croire une image partagée sur plusieurs réseaux sociaux, c’est le moins que l’on puisse dire !
« Simone Veil à propos de François Bayrou : Mauvais, intriguant, opportuniste, ambitieux, arriviste, prétentieux, carriériste, menteur, trompeur », peut-on lire. Au total, ce ne sont pas moins de 16 adjectifs particulièrement virulents qu’aurait prononcés la première présidente du Parlement européen. « Traitre, félon, lâcheur, parjure, renégat », est-il écrit également.
Mais d’où peut bien venir cette haine féroce de Simone Veil à l’encontre de François Bayrou ? En réalité, s’il est documenté que l’ex-femme politique ne portait pas le nouveau Premier ministre dans son cœur, rien ne permet d’affirmer qu’elle ait tenu de tels propos. Ces mots sont issus d’une tribune satirique de la romancière Trudi Kohl dans un vieil article de 2010.
Veil tribune dans Causeur
Pour s’en apercevoir, il faut approcher son regard au plus près de la photo. Tout en bas de l’image, en tout petit, y est indiquée la source de cette série d’insultes : « Trudi Kohl : enfin une femme à l’Académie française ! ».
Une simple recherche Google permet de retrouver le texte original. Il a été publié dans le magazine Causeur, le 21 novembre 2008, et est signé de la main la journaliste Trudi Kohl. Premier enseignement à la lecture du texte : il ne s’agit pas d’une interview de Simone Veil. Ce ne sont donc pas des propos rapportés.
Ensuite, le ton de l’article ne laisse guère place aux doutes. La journaliste propose ici un texte satirique où elle imagine, moqueuse, l’accession de Simone Veil à l’Académie française : « On n’hésitera pas à se procurer sa remarquable autobiographie [celle de Simone Veil, ndlr], parue sous le nom assez surprenant de : Une vie. Le lecteur en consultera notamment la traduction anglaise qui seule sait parfaitement rendre le style inimitable de la nouvelle académicienne : « François Bayrou is an asshole. »
Ainsi, la photo prête à tort ces propos à Simone Veil. En revanche, on sait qu’elle ne portait pas François Bayrou dans son cœur. En mars 2007, en pleine campagne électorale, l’ex-magistrate ne mâchait pas ses mots à l’égard de celui qui finira, 18 ans plus tard, Premier ministre : « Il faut savoir choisir et Bayrou, c’est pire que tout », disait-elle. « Je connais tout son passé et ses trahisons successives ».
Selon Le Monde, la querelle remonte à 1995, lors de la qualification de Jacques Chirac au premier tour. Le très balladurien de l’époque François Bayrou lui avait annoncé qu’il appelait sur le champ le vainqueur. Elle aurait jugé indécent de se précipiter de la sorte « juste pour rester ministre de l’Éducation nationale et continuer à ne rien faire », écrivaient nos confrères.
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