Teddy Riner affirme que les judokas, en France, sont « considérés comme une arme blanche »
Dernière modification : 23 septembre 2024
Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public à l’Université de Poitiers
Relecteurs : Jean-Baptiste Thierry, professeur de droit pénal à l’Université de Lorraine et Jean-Paul Markus, professeur de droit public à l’Université Paris-Saclay
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste
Source : Teddy Riner sur France Inter, le 16 septembre 2024
Teddy Riner, une arme blanche ? En réalité, lors de son interview sur France Inter, le judoka voulait certainement parler de légitime défense et du fait qu’il ne peut pas utiliser, de manière disproportionnée, des techniques de son art martial pour se défendre. Il doit proportionner sa riposte. Comme tout le monde.
Les Jeux olympiques et paralympiques viennent à peine d’être clôturés que Teddy Riner fait encore parler de lui. Le judoka, multiple champion olympique, a affirmé au micro de France Inter que le corps des athlètes pratiquant les arts martiaux est considéré « comme une arme blanche ». Une déclaration à relativiser.
Teddy Riner n’est pas un objet
Commençons simplement, qu’est-ce qu’une arme ? Un « objet conçu pour tuer ou blesser », d’après l’article 132-75 du Code pénal. Ainsi, la définition concerne aussi bien les armes par nature, conçues pour cela, que les armes par destination, comme une batte de base-ball ou un marteau, qui n’ont pas vocation à tuer, mais qui peuvent servir à tuer ou blesser. Sauf que jusqu’à preuve du contraire, Teddy Riner n’est pas un objet.
Mais, au-delà d’une erreur de terminologie, le judoka semble souligner ses capacités physiques exceptionnelles. Le commun des mortels n’a pas un corps d’athlète de haut niveau en judo et ne maîtrise pas olympiquement cet art martial. Un point qui n’est pas complètement anodin, au regard du droit.
Qui dit légitime défense, dit réponse proportionnée
Petite mise en situation. Teddy Riner affirme, par sa comparaison, que face à un agresseur (assez courageux au demeurant) qui s’en prendrait à lui à mains nues, il ne peut pas, par exemple, l’étrangler en pratiquant une prise et le tuer. Le problème ici n’est pas celui d’un corps considéré comme une arme, mais de la légitime défense, qui doit être proportionnée au danger encouru.
L’article 122-5 du Code pénal définit la légitime défense. Elle doit intervenir en réponse immédiate et proportionnée à une atteinte injustifiée. La légitime défense n’est donc pas caractérisée s’il y a une disproportion entre l’agression et la riposte. En somme, si par une prise, un judoka étrangle et tue une personne qui, par exemple, n’en voulait qu’à son téléphone portable, il y a clairement disproportion. Et ce d’autant plus, que ce même judoka est certainement capable de neutraliser la personne sans l’étouffer.
Cette exigence d’une riposte proportionnée n’a rien à voir avec le corps d’un athlète : toute personne agressée doit répondre de manière proportionnée.
Une légitime défense reconnue au cas par cas par le juge
Maintenant que nous sommes au fait de la théorie, qu’en est-il de la pratique ? Dans une décision de 2012, la Cour de cassation a refusé d’admettre la légitime défense pour un militaire de carrière. Ce dernier avait tiré, à deux reprises , dans la jambe de son agresseur non armé, pour le neutraliser.
Autre exemple parfaitement à propos, la Cour d’appel de Grenoble a jugé, en 1992, qu’un judoka de bon niveau ne pouvait pas se prévaloir de la légitime défense si, pour répondre à un coup de poing, il a étranglé un homme jusqu’à la mort. Dans la mesure où le judoka connaissait des gestes techniques moins dangereux pour neutraliser quelqu’un, la réponse était disproportionnée.
Teddy Riner n’a donc pas tout à fait tort sur le fond : sa maîtrise du judo pourrait, en cas de légitime défense, avoir un impact sur la décision du juge. Mais il se trompe de terme.
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