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Vignoble à Ammerschwihr, dans le Haut-Rhin en Alsace. Crédit : Bonat - Pixabay

Suppression de jours fériés : la spécificité de l’Alsace-Moselle est-elle une atteinte à la République ?

Création : 18 août 2025

Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public à l’Université de Poitiers

Relecteurs : Clément Benelbaz, maître de conférences HDR en droit public à l’Université Savoie-Mont Blanc

Etienne Merle, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Clara Robert-Motta, journaliste

Source : Compte X, le 11 août 2025

La proposition de François Bayrou de supprimer deux jours fériés pour réduire la dette publique ravive les tensions autour des jours chômés spécifiques à l’Alsace-Moselle. Si ces départements conservaient leurs deux fêtes locales, ils perdraient aussi deux jours nationaux, comme le reste du pays, sans enfreindre le principe d’indivisibilité de la République.

Parmi les pistes envisagées par François Bayrou pour réduire la dette de l’État, la suppression de deux jours fériés a commencé à s’imposer, et non sans réaction.

Un article de L’Alsace, publié le 10 août, qui précisait que le Premier ministre souhaitait discuter « des spécificités » de l’Alsace et de la Moselle avait enclenché une levée de boucliers de la part des habitants de la région. Très rapidement, la députée du Haut-Rhin Brigitte Klinkert a assuré avoir été rassurée par François Bayrou qui lui aurait donné la garantie que les jours fériés spécifiques à l’Alsace, le 26 décembre et le Vendredi Saint, ne seraient pas supprimés.

Une nouvelle annonce qui a mis l’exception de l’Alsace-Moselle sous le feu des projecteurs et a quelque peu jeté de l’huile sur le feu. En effet, les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle bénéficient d’un statut juridique particulier, notamment sur la question de la laïcité, étant annexés à l’Empire allemand de 1871 à 1919. Par conséquent, la loi de 1905 n’y a jamais été appliquée.

« C’est une blague ou quoi ?! Depuis quand certaines régions garderaient plus de jours fériés que d’autres ?! », s’insurge un internaute, avant de citer la Constitution : « La France est une République INDIVISIBLE ».

L’Alsace pas épargnée par la suppression de jours fériés

Avant toute chose, il faut clarifier les propos de la députée haut-rhinoise. Selon elle, « [François Bayrou] a évoqué la possibilité de remettre en cause deux jours fériés nationaux. Mais il n’est pas dans ses intentions de revenir sur les spécificités de l’Alsace ». 

L’Alsace perdrait donc bien deux jours fériés, à l’instar du reste du territoire français, mais en aurait toujours deux de plus, spécifiques au droit local. Reste à voir ce qui sera effectivement décidé à la rentrée.

Une atteinte à la République indivisible ?

Il n’en reste pas moins qu’il existe une inégalité de fait entre les régions françaises. Pour autant, peut-on parler d’une division de la République qui serait donc contraire à la Constitution ?

Le Conseil constitutionnel, gardien du texte suprême, a justement répondu à cette question en 2011. La loi de 1924 autorise les trois départements à conserver leur propre législation. Or, n’ayant jamais été remplacée ou abrogée, elle a été érigée en « principe fondamental reconnu par les lois de la République » par la décision des Sages.

Non seulement cela valide la conformité de cette exception à la Constitution, mais en plus, cela lui confère une valeur constitutionnelle.

Le Conseil limite toutefois la portée d’une telle exception. Les différences de traitement qui en résultent ne doivent pas être accrues et leur champ d’application ne doit pas être élargi.

Dès lors, c’est la condition pour que l’exception alsacienne-mosellane soit compatible avec le principe d’indivisibilité de la République. Et si ces départements perdent deux jours fériés nationaux — les mêmes que pour les autres départements — il n’y aura pas de traitement de faveur qui remette en cause le principe d’indivisibilité.

En revanche, cela ne protège pas les jours fériés spécifiques de l’Alsace-Moselle d’une potentielle modification ou suppression. Le Conseil constitutionnel avait précisé que le législateur pouvait tout à fait supprimer le droit local et harmoniser la législation applicable en Alsace-Moselle avec celle du reste du territoire.